Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

« On croit qu’on va mourir » : les crises d’angoisse leur pourrissen­t la vie

Le souffle court, le coeur qui s’accélère, ou encore la crainte de mourir font partie des symptômes des crises d’angoisse aiguës, aussi appelées attaques de panique. Deux femmes et un homme racontent.

- Marie TOUMIT.

« Mon corps était comme absent. On croit qu’on va mourir », raconte Martine, 68 ans, une retraitée qui vit à Rennes. Elle avait 18 ans et marchait tranquille­ment dans la rue lorsqu’est arrivée sa première crise d’angoisse aiguë.

« Sans aucune raison, je me suis mise à trembler, avec l’impression que mon coeur se serrait. Je transpirai­s, j’avais le sentiment que ma main gauche irradiait », raconte aussi Julie, une habitante des Côtesd’Armor de 29 ans. Elle en avait alors 19. Ses mots sont proches de ceux de Martine : « J’avais l’impression d’avoir une crise cardiaque. J’étais sûre que j’allais mourir ».

Mathieu, lui, était au travail. « Je me suis mis à me sentir mal, à avoir un problème de respiratio­n. J’avais la sensation que j’allais m’évanouir », raconte-t- il. C’était il y a un peu plus d’un an. « D’un coup, vous êtes coupé du monde, tellement concentré sur le fait d’aller mal que l’environnem­ent autour disparaît », poursuit ce développeu­r informatiq­ue de 26 ans, qui vit du côté de Lyon.

« Certains médecins ne comprennen­t pas »

Les crises d’angoisse aiguës ne se prolongent pas pendant des heures. Celle de Mathieu a duré une vingtaine de minutes. Le soir, de retour chez lui, il y a repensé. « J’ai vite deviné de quoi qu’il s’agissait. » Une fois apaisée, Julie est allée regarder sur Internet les symptômes de la crise cardiaque et de l’AVC, pour comparer avec ce qu’elle avait ressenti.

Martine, elle, s’est rendue chez le médecin dans la journée. « Certains ne comprennen­t pas. D’autres vous aident et ne portent pas de regard critique. J’ai eu de la chance ce jourlà, ma médecin a tout de suite posé le diagnostic : crise d’angoisse. » Après des explicatio­ns sur ce phénomène, elle lui a prescrit un anxiolytiq­ue en cas de nouvelle crise. « Elle m’a aussi invitée à suivre des séances de relaxation. » Cinquante ans plus tard, Martine explique cette anxiété par les changement­s qu’elle vivait alors : de la vie en pension pendant quatorze ans, à celle autonome en tant qu’étudiante, seule à Paris.

La première crise… et les suivantes

Tous trois ont connu d’autres crises. « On met alors le doigt dans un engrenage, car vous avez peur que les symptômes réapparais­sent », raconte Mathieu. La personne qui en souffre redoute la répétition de l’attaque de panique. « Certes, il y avait des facteurs extérieurs, comme le surmenage, mais j’avais l’impression que je faisais des crises sans raison », décrit le jeune homme. Il se souvient, par exemple, d’un moment au restaurant avec des amis. « Tout se déroule normalemen­t, puis je me dis : Ah, tiens, je suis bien, ce serait bête que ça aille mal. Du coup, vous faites des crises en anticipant que ça pourrait aller mal ! »

Mathieu a repéré les endroits où il était davantage sujet aux attaques de panique : « Les restaurant­s, le supermarch­é et les lieux fermés. Là où j’ai l’impression qu’il n’y a pas d’échappatoi­re. » Lui qui se décrit comme « plutôt extraverti » en venait « à s’enfermer » chez lui. Martine évoque de son côté les sorties prévues entre amis, mais annulées au dernier moment. « Si une crise se renouvelle, on n’a pas envie de le faire peser sur les autres. »

Julie a connu « trois énormes crises en deux mois », cinq ans après la première. Elle venait de terminer ses études, avait eu un emploi stressant avec des horaires compliqués, était au chômage et venait de changer de compagnon. « À chaque fois, je suis allée aux urgences… » glisse-t- elle aujourd’hui un brin dépitée et gênée. Le même scénario se répète : elle sent un poids sur la poitrine, son cerveau turbine et projette le pire de façon incontrôla­ble. Elle se voit faire une crise cardiaque. « Mon coeur s’emballait, mais dès que j’étais prise en charge, ça allait mieux. Je me sentais trop bête de mobiliser trois ou quatre personnes. » Après avoir écarté toute possibilit­é d’infarctus, le médecin lui parle de crise d’angoisse. Il lui prescrit un anxiolytiq­ue. « Que je n’ai jamais acheté, par peur de devenir dépendante. »

« Je ne suis plus du tout lucide »

Mais quelques semaines plus tard, rebelote. Palpitatio­ns, tremblemen­ts, vertiges… « C’est violent, je panique, je me dis que les urgences n’ont pas dû voir quelque chose la première fois. J’y retourne », souffle Julie. L’équipe médicale lui fait passer des examens plus approfondi­s. Pas d’AVC, pas de crise cardiaque. D’un côté, cela la rassure ; de l’autre, elle n’arrive pas complèteme­nt à se départir de l’idée qu’elle a peut- être quelque chose que l’équipe ne voit pas. « J’ai demandé pardon d’être venue pour rien. Le médecin m’a dit : Non, vous avez quelque chose, avec des symptômes, mais l’origine est psychologi­que. » Julie apprend progressiv­ement à gérer les crises qu’elle peut faire. « Le fait que je vive avec quelqu’un me force à m’apaiser, estime- t- elle. Dans ces moments-là, écouter de la musique qui me transporte ailleurs me calme. »

Mathieu, lui, souffrait également de troubles du sommeil. « Les crises d’angoisse me pourrissai­ent la vie, confie celui qui se décrit comme ambitieux et entreprene­ur. J’étais énervé contre moi- même d’être dans cet état. » Lorsqu’il se sent au pied du mur, que « plus rien ne va », il va consulter un médecin. « Là, dans le cabinet, je m’effondre totalement. » Diagnostic : troubles anxieux généralisé­s. « Il m’a dit de faire reset. » En commençant par un arrêt de travail, et avec la prescripti­on d’un anxiolytiq­ue et d’un antidépres­seur. Il retourne chez ses parents, commence à aller mieux, et fait appel à une coach de vie. « Elle m’a donné des outils pour gérer mes crises, m’a appris à être plus positif, à lâcher prise. »

« L’anxiété attrape le corps, l’esprit, tout »

Martine, elle non plus, ne redoute pas de demander de l’aide. Son anxiolytiq­ue est toujours dans son sac à main, au cas où, même s’il ne sert pas souvent. Au départ très dubitative, elle a essayé la sophrologi­e et a constaté que travailler sa respiratio­n lui faisait du bien. « Je fais aussi du yoga.

Reprendre mon corps en main m’aide beaucoup. Pendant les crises d’angoisse, le corps prend le dessus et nous échappe. » Julie abonde : « C’est une sorte de malêtre profond que tu n’arrives pas à théoriser. La crise d’angoisse l’exprime par le corps. » Après sa période compliquée, Mathieu a repris le sport et a découvert la « respiratio­n carrée », une technique pour se détendre.

Martine veut transmettr­e un message : « On peut avoir une vie normale en ayant des crises d’angoisse et de l’anxiété. Il faut trouver son moyen pour les apprivoise­r et parvenir à moins se concentrer dessus. J’ai essayé de surmonter mes craintes et de faire des choses dont je ne me pensais pas capable. »

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Faire des attaques de panique de façon répétée et vivre dans la crainte envahissan­te d’en refaire peut se soigner.
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| PHOTO : OUEST-FRANCE Martine : « J’ai essayé de surmonter mes craintes et de faire des choses dont je ne me pensais pas capable. »
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| PHOTO : PAULINE FERRAND, OUEST-FRANCE Apprendre à gérer ses crises d’angoisse, c’est possible. Cela passe notamment par la respiratio­n.
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| PHOTO : PAULINE FERRAND, OUEST-FRANCE
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| PHOTO : GETTY IMAGES/ ISTOCKPHOT­O « J’étais énervé contre moi-même d’être dans cet état », témoigne Mathieu. (Photo d’illustrati­on).

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