Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

« Lesatelier­ssontdesso­rtesd’autoportra­itsd’artiste »

L’entretien du dimanche. Le musée Yvonne- Jean-Haffen, à Dinan, propose une nouvelle expo, Dans l’intimité de l’atelier, depuis samedi. Le conservate­ur du musée revient sur sa conception.

- Recueilli par Thibault BURBAN.

Frédéric Bonnor, conservate­ur du musée Yvonne- Jean-Haffen, à Dinan.

Chaque année, le musée Yvonne-Jean-Haffen propose une nouvelle exposition, à la Grande-Vigne, demeure et atelier de l’artiste. Comment parvenez-vous à vous renouveler ? C’est un peu le lot de tous les musées monographi­ques. Depuis sa création, en 1994, le musée renouvelle l’exposition chaque année. On a passé en revue à peu près tous les thèmes…

Depuis l’année dernière, on organise une résidence d’écriture, à l’automne. Pour donner encore plus de sens à cette initiative, on s’est dit pourquoi ne pas créer un lien avec l’écrivaine que l’on reçoit ici même ? S’associer à des créateurs contempora­ins, c’est une manière d’enrichir l’offre culturelle. Ça permet aussi de se confronter à d’autres regards.

En quoi le travail de la journalist­e Christilla Pellé-Douël, en résidence en automne, vous a-t-il inspiré ? Christilla Pellé- Douël s’intéresse beaucoup à l’esprit des maisons. J’ai exploré cette idée à travers nos collection­s. Dans celles- ci, il y avait des représenta­tions de la Grande-Vigne, ou encore des propriétés du banquier et philanthro­pe Albert Kahn, à Boulogne-Billancour­t et à Cap Martin. Mais je me suis aperçu qu’il y avait aussi beaucoup d’images d’ateliers. Et c’est un peu ce qu’attendent les visiteurs, quand ils viennent ici, entrer dans l’intimité de l’artiste et de son travail. C’était l’occasion de satisfaire cette envie.

Quelles oeuvres avez-vous mises en avant ?

La ville de Dinan est propriétai­re du fonds d’atelier d’Yvonne Jean-Haffen. Ce sont beaucoup de croquis, d’études à la gouache. Ce fonds comprend aussi 1 470 lettres ornées par Mathurin Méheut, qu’il lui a envoyé presque quotidienn­ement, entre 1926 et 1954.

On s’est aperçu qu’en matière de représenta­tion d’atelier, on avait surtout une cinquantai­ne de lettres ornées de Mathurin Méheut. Et à côté de ça, on a retenu une trentaine d’oeuvres d’Yvonne Jean-Haffen. Ce sont en majorité des vues de la Grande-Vigne.

Ça illustre le fait qu’elle était moins encline à représente­r des intérieurs et le lieu où elle travaillai­t. L’atelier se déporte à l’extérieur.

Que disent ces représenta­tions d’ateliers ?

À partir de la fin du XIXe siècle, les artistes représente­nt souvent leur atelier vide, mais les traces de leur présence sont là : des chevalets, des croquis par terre, des pinceaux, le poêle au fond qui rougît, le petit chien à côté… On trouve par cet assemblage une sorte d’autoportra­it indirect, à partir duquel on comprend la personnali­té de l’artiste, comment il travaille.

Parfois, Mathurin Méheut va plus loin, en plaçant sur ses images d’atelier la figure d’Yvonne Jean- Haffen, qui est en quelque sorte son double artistique.

Ces deux artistes ont partagé beaucoup d’ateliers…

Il y a deux temps. D’abord l’époque parisienne, avant l’achat de la Grande-Vigne. Durant ces années 1920, Yvonne Jean-Haffen possède son propre atelier, chez elle, rue Falguière. Elle fréquente les ateliers de Mathurin Méheut, parfois trop petits pour ce dernier, quand on lui commande des décors de paquebots. Ces lieux se concentren­t dans le quartier de Montparnas­se.

Et peu avant 1940, il y a cette maison-atelier, ici à Dinan, qui sert, bien sûr, à Yvonne Jean-Haffen, mais aussi à Mathurin Méheut qui y prépare ses illustrati­ons pour les Vieux métiers bretons, de Florian Le Roy. Et puis, les grands décors de l’Institut de géologie. Il a une tendresse toute particuliè­re pour cette maison, qu’il appelait le « Paradou ». Quand il se retrouvait ici, il était un peu à l’abri de la pression. Le temps s’écoulait différemme­nt. C’est d’ailleurs toujours un espace un peu hors du temps.

Existe-t-il beaucoup d’ateliers de Mathurin Méheut encore dans leur jus ?

Non, il ne reste plus d’atelier autrefois occupé par Mathurin Méheut toujours debout. C’est le seul endroit où l’on peut encore entretenir sa présence. Et à la différence d’autres maisons- musées, comme celle de Monet, à Giverny, par exemple, nous exposons des oeuvres originales. C’est notre force.

Du 6 mai au 1er octobre, « Dans l’intimité de l’atelier », au musée Yvonne- Jean-Haffen, 103, rue du Quai, à Dinan. Ouvert tous les jours (sauf le lundi), de 10 h 30 à 12 h 30 et de 14 h à 18 h 30. Entrées : de 3 à 6 €.

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| PHOTO : OUEST-FRANCE Frédéric Bonnor est le conservate­ur du musée Yvonne-Jean-Haffen, à Dinan.

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