Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
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L’initiative. Broyées, les coquilles de Saint- Jacques pourraient enrichir la terre. L’expérimentation est en cours, lancée par cinq fermes du Penthièvre et le Groupement des agriculteurs bio 22.
« Le point de départ du projet, c’est la question qu’on se pose en tant que paysan : Quel est le meilleur amendement calcaire pour nos sols, celui ayant le moins d’impact sur l’environnement ? Car les sols bretons sont naturellement acides et l’activité agricole les acidifie davantage. »
Installé en agriculture biologique depuis une trentaine d’années, à Saint-Alban, Yann Yobé est associé à sa femme Claire et à sa fille Nolwenn au sein du Gaec des Goublayes. Avec quatre autres fermes des Côtesd’Armor (Aux p’tits légumes, à Hillion ; Ludovic André, à Erquy ; le Gaec Quéré, à Planguenoual ; Le Ti Fournil, à Erquy), il participe à une expérimentation autour de l’utilisation des coquilles de Saint- Jacques.
« Tous les ans ou tous les trois ans, on apporte de l’amendement pour contrecarrer l’acidité, afin que la vie microbienne du sol soit la plus performante possible, poursuit le paysan. Il s’agit de calcaire broyé qui, jusqu’à présent, provient de carrières de Mayenne ou de sables extrait au large du Finistère et des Côtesd’Armor. Mais ces deux solutions détruisent le milieu. »
Une expérimentation lancée il y a deux ans
L’intérêt des coquillages concassés est connu. Par le passé, le Gaec des Goublayes a d’ailleurs déjà réalisé des essais avec des crépidules et avec des coquilles d’huîtres. En baie de Saint- Brieuc, la saint-jacques est une ressource abondante (8 200 tonnes ont été pêchées l’an dernier dans la baie) dont la valorisation en broyat méritait d’être étudiée.
Les cinq agriculteurs pilotes et le Groupement des agriculteurs biologiques des Côtes- d’Armor (Gab22) ont donc lancé une expérimentation, il y a deux ans, financée par l’Ademe (Agence de la transition écologique). Le Comité départemental des pêches 22, des pêcheries, la CCI (Chambre de commerce et d’industrie) et les collectivités territoriales ont été contactés.
Des essais de concassages pour trouver la taille idéale
« L’idée est de récupérer les coquilles Saint- Jacques de l’industrie agroalimentaire et de les broyer à la bonne taille », résume l’éleveur, producteur de lait.
Toujours dans une préoccupation de circuit local, les coquilles proviennent des Pêcheries d’Armorique, à Erquy. « Pour raisons sanitaires, nous devons trouver des coquilles propres, sans résidus de chairs. Les
Pêcheries d’Armorique ont pu nous fournir des coquilles « hygiénisées » par un choc thermique », précise Sarah Choupault, conseillère technique au Gab22.
L’expérimentation a aussi porté sur la recherche de la taille idéale du granulat de coquilles. Différents essais de concassage ont été réalisés, avec les Carrières de l’Ouest, à Hénansal. Encore un partenaire local. « Différents outils de concassage ont été essayés et nous sommes parvenus à trouver un procédé normé, permettant d’obtenir une mouture de 0 à 6 mm », relève Sarah Choupault.
L’étude agronomique se poursuit désormais et l’amendement est en cours de test sur la terre des fermes pilotes. « Les premières expérimentations sont intéressantes, mais à poursuivre, car on n’a pas encore assez de recul. Des mesures à plus long terme s’avèrent nécessaires, afin d’estimer les quantités et les fréquences d’apport de coquille. »
L’essai devrait se poursuivre trois ans encore. Le Gab22 attend des financements pour continuer son action. « La priorité, maintenant, est de faire du lien entre les agriculteurs et les conchyliculteurs, et de travailler davantage avec le Comité des pêches. »
Une étude de l’empreinte carbone sera réalisée
Les prémices d’une filière fonctionnant en économie circulaire sont d’ores et déjà posées. « C’est un projet d’intérêt général », ajoute la conseillère technique du Gab22, d’autant que la pêche et l’agroalimentaire, comme les filières, doivent désormais s’occuper du traitement de leurs déchets.
Autre étape également à venir : une étude comparative de l’empreinte carbone du nouvel amendement sera réalisée, afin de vérifier que ce projet d’économie circulaire est vertueux. Yann Yobé est confiant. « On a à coeur que ça avance et qu’on arrive à mettre cet amendement dans nos champs. »