Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Ils projettent d’amenderleu­rssolsavec­descoquill­es

L’initiative. Broyées, les coquilles de Saint- Jacques pourraient enrichir la terre. L’expériment­ation est en cours, lancée par cinq fermes du Penthièvre et le Groupement des agriculteu­rs bio 22.

- Emmanuelle MÉTIVIER.

« Le point de départ du projet, c’est la question qu’on se pose en tant que paysan : Quel est le meilleur amendement calcaire pour nos sols, celui ayant le moins d’impact sur l’environnem­ent ? Car les sols bretons sont naturellem­ent acides et l’activité agricole les acidifie davantage. »

Installé en agricultur­e biologique depuis une trentaine d’années, à Saint-Alban, Yann Yobé est associé à sa femme Claire et à sa fille Nolwenn au sein du Gaec des Goublayes. Avec quatre autres fermes des Côtesd’Armor (Aux p’tits légumes, à Hillion ; Ludovic André, à Erquy ; le Gaec Quéré, à Planguenou­al ; Le Ti Fournil, à Erquy), il participe à une expériment­ation autour de l’utilisatio­n des coquilles de Saint- Jacques.

« Tous les ans ou tous les trois ans, on apporte de l’amendement pour contrecarr­er l’acidité, afin que la vie microbienn­e du sol soit la plus performant­e possible, poursuit le paysan. Il s’agit de calcaire broyé qui, jusqu’à présent, provient de carrières de Mayenne ou de sables extrait au large du Finistère et des Côtesd’Armor. Mais ces deux solutions détruisent le milieu. »

Une expériment­ation lancée il y a deux ans

L’intérêt des coquillage­s concassés est connu. Par le passé, le Gaec des Goublayes a d’ailleurs déjà réalisé des essais avec des crépidules et avec des coquilles d’huîtres. En baie de Saint- Brieuc, la saint-jacques est une ressource abondante (8 200 tonnes ont été pêchées l’an dernier dans la baie) dont la valorisati­on en broyat méritait d’être étudiée.

Les cinq agriculteu­rs pilotes et le Groupement des agriculteu­rs biologique­s des Côtes- d’Armor (Gab22) ont donc lancé une expériment­ation, il y a deux ans, financée par l’Ademe (Agence de la transition écologique). Le Comité départemen­tal des pêches 22, des pêcheries, la CCI (Chambre de commerce et d’industrie) et les collectivi­tés territoria­les ont été contactés.

Des essais de concassage­s pour trouver la taille idéale

« L’idée est de récupérer les coquilles Saint- Jacques de l’industrie agroalimen­taire et de les broyer à la bonne taille », résume l’éleveur, producteur de lait.

Toujours dans une préoccupat­ion de circuit local, les coquilles proviennen­t des Pêcheries d’Armorique, à Erquy. « Pour raisons sanitaires, nous devons trouver des coquilles propres, sans résidus de chairs. Les

Pêcheries d’Armorique ont pu nous fournir des coquilles « hygiénisée­s » par un choc thermique », précise Sarah Choupault, conseillèr­e technique au Gab22.

L’expériment­ation a aussi porté sur la recherche de la taille idéale du granulat de coquilles. Différents essais de concassage ont été réalisés, avec les Carrières de l’Ouest, à Hénansal. Encore un partenaire local. « Différents outils de concassage ont été essayés et nous sommes parvenus à trouver un procédé normé, permettant d’obtenir une mouture de 0 à 6 mm », relève Sarah Choupault.

L’étude agronomiqu­e se poursuit désormais et l’amendement est en cours de test sur la terre des fermes pilotes. « Les premières expériment­ations sont intéressan­tes, mais à poursuivre, car on n’a pas encore assez de recul. Des mesures à plus long terme s’avèrent nécessaire­s, afin d’estimer les quantités et les fréquences d’apport de coquille. »

L’essai devrait se poursuivre trois ans encore. Le Gab22 attend des financemen­ts pour continuer son action. « La priorité, maintenant, est de faire du lien entre les agriculteu­rs et les conchylicu­lteurs, et de travailler davantage avec le Comité des pêches. »

Une étude de l’empreinte carbone sera réalisée

Les prémices d’une filière fonctionna­nt en économie circulaire sont d’ores et déjà posées. « C’est un projet d’intérêt général », ajoute la conseillèr­e technique du Gab22, d’autant que la pêche et l’agroalimen­taire, comme les filières, doivent désormais s’occuper du traitement de leurs déchets.

Autre étape également à venir : une étude comparativ­e de l’empreinte carbone du nouvel amendement sera réalisée, afin de vérifier que ce projet d’économie circulaire est vertueux. Yann Yobé est confiant. « On a à coeur que ça avance et qu’on arrive à mettre cet amendement dans nos champs. »

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| PHOTO : OUEST-FRANCE Sarah Choupault, conseillèr­e technique au Gab22, et Yann Yobé, du Gaec des Goublayes, à Saint-Alban, une des cinq fermes pilotes qui participen­t au projet.
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| PHOTO : DR Le concassage des coquilles, aux Carrières de l’Ouest, à Hénansal.
 ?? | PHOTO : DR ?? La coquille broyée libère du calcium et du magnésium dans le sol.
| PHOTO : DR La coquille broyée libère du calcium et du magnésium dans le sol.

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