Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Eugène Cadoret, résistant discret mais efficace
Le moment d’histoire. Pendant la guerre 1939-1945, brigadier- chef de police à Loudéac, il disposait d’un poste stratégique pour protéger les résistants et les réfractaires au service du travail obligatoire.
« À force de ruse d’abord, puis d’audace et de courage au moment de la Libération, il allait sauver la vie de ses compatriotes. »
Dans l’édition du journal OuestFrance du 9 novembre 1966, on le voit en photo, se roulant une cigarette, coiffé d’un grand chapeau noir. Alors âgé de 80 ans, Eugène Cadoret évoque volontiers ses souvenirs d’ancien combattant, lui qui a traversé deux guerres mondiales.
Blessé à trois reprises par des éclats d’obus en 14-18, il est revenu du front avec une plaque de métal dans le crâne, mais décoré de la croix de guerre et de la médaille militaire.
Sabotages et faux papiers
En 1920, après avoir épousé sa fiancée Augustine Le Ho, il devient garde champêtre puis brigadier- chef de la police de Loudéac.
Un poste stratégique qui va lui permettre de s’illustrer pendant l’occupation… « Il disposait d’un laissez-passer qui lui permettait de circuler la nuit, malgré le couvre-feu imposé par les Allemands », précise le professeur Yann Lagadec dans la revue Mémoire de Loudéac, publiée en 1994.
Ainsi, Eugène Cadoret multiplie, dès juin 1940, les actions qui lui vaudront de recevoir la médaille de la Résistance en 1947 et la Légion d’honneur en 1960 : il apporte de la nourriture à des prisonniers français enfermés au parc des sports, organise le sabotage de dizaines de véhicules allemands et met « très peu de zèle » dans la recherche des prisonniers évadés et des réfractaires au
STO (Service du travail obligatoire).
« Il établit a contrario de faux papiers pour nombre d’entre eux, détourna à plusieurs reprises des lettres de délation anonymes envoyées à la Standortkommandan
Un rôle clef à la libération
En 1944, le brigadier- chef joue également un rôle clef à la Libération. Un épisode raconté par sa fille Georgette Weber- Cadoret, décédée en 2021, dans le courrier des lecteurs du Courrier indépendant du 19 août 2016 : « Le 3 août 1944, entre 15 h 32 et 15 h 45, des obus frappent les clochers des églises Saint-Nicolas et Notre-Dame- des-Vertus. Ce sont les Américains, croyant que les Allemands s’y trouvent. »
Mais les troupes allemandes ont déjà quitté Loudéac. Accompagné du docteur Étienne (qui deviendra maire de la ville de 1955 à 1979), Eugène Cadoret décide d’aller avertir les alliés « muni d’un drapeau blanc (une serviette de table fournie par ma mère) », poursuit Georgette qui, âgée de 22 ans à l’époque, verra son père entrer dans la ville « au premier rang » des troupes américaines.
Devenu veuf en 1952, Eugène Cadoret sera par la suite une figure incontournable de la rue Notre- Dame, à Loudéac, où il terminera sa vie le 4 janvier 1975, au lendemain de son 89e anniversaire.