Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Taïwan, la « pièce manquante » de la Chine
Documentaire. Reconnu pour son savoir-faire technologique, l’archipel asiatique suscite toutes les convoitises. Enquête sur les mystères de ce territoire, sur fond de tensions diplomatiques.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à Taïwan ?
Pendant la crise du Covid, j’avais naturellement entendu parler de la pénurie de semi- conducteurs. En me penchant de plus près sur le sujet, je me suis rendu compte que 90 % de la production mondiale était assurée par Taïwan. Un territoire de 23 millions d’habitants, à peine plus grand que la Belgique, qui, en plus de son rôle géopolitique majeur, revêt une identité singulière. Le fruit de racines très diverses : des populations autochtones, des colonisations européennes, des migrations chinoises sur plusieurs siècles, une forte influence japonaise et l’arrivée des sympathisants du généralissime Chiang Kaï-shek, à partir de 1949.
Qu’avez-vous cherché à montrer dans votre film ?
D’ordinaire, la perspective occidentale se limite à placer l’île dans le grand jeu d’échecs que se livrent la Chine et les États- Unis. Mon objectif à moi était plutôt de comprendre en quoi Taïwan se démarque de la Chine et comment l’île compte aujourd’hui rayonner dans le monde.
Comment avez-vous procédé ? J’aurais pu aller voir les spécialistes de l’Asie à la Maison-Blanche ou les parlementaires français membres des groupes d’amitié France-Taïwan. Mais j’ai choisi de n’interroger que des voix taïwanaises. Parmi elles, Audrey Tang, ministre de l’Économie numérique et transgenre, ou l’amiral Lee Hsi-min, ancien chef d’état-major de l’armée.
Comment votre projet a-t-il été perçu sur place ?
Très bien. Après trente-huit ans de loi martiale – un record planétaire –, l’île vit désormais sous un régime ouvert et démocratique. À l’exception de la présidente Tsai Ing-wen, j’ai réussi à obtenir toutes les interviews que je souhaitais. Si les Taïwanais que j’ai rencontrés étaient tous contents de raconter l’histoire de leur nation, beaucoup en revanche ressentaient une certaine crainte à évoquer les questions sensibles comme la Chine ou leur identité. Les jeunes en parlaient assez librement mais leurs parents, qui ont passé une bonne partie de leur vie sous la dictature, se montraient beaucoup plus frileux.
À cause du risque de guerre qui pèse sur eux ?
Étonnamment, au début du tournage, les habitants n’en avaient pas vraiment conscience. Cela fait cinquante ans qu’ils vivent avec cette menace. Ils ont donc acquis une vraie résilience. Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ils se sont toutefois rendu compte que la situation, chez eux aussi, pouvait basculer à tout moment. D’où un engouement croissant pour les stages de formation militaire. Malgré les tirs de missiles menés l’été dernier par la Chine, certains Taïwanais ont continué à aller se baigner dans les eaux ciblées, en guise de résistance. Aujourd’hui, ils savent enfin qui ils sont et ils entendent bien le défendre.
France 5, 20 h 55.