Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Argentan, l’autre cité ornaise de la den telle
Sur les bords de l’Orne, laissez-vous séduire par l’une des plus importantes forteresses de Normandie devenue l’autre « grande ville » de la dentelle.
Ravissante petite cité nichée dans son écrin de verdure, Argentan s’épanouit au coeur même du pays du cheval. Longtemps, elle fut une ville militaire et aristocratique, ce qui explique sans doute le nombre important d’hôtels particuliers et de châteaux disséminés dans toute la région. Aujourd’hui, elle doit sa renommée à son riche passé industriel. Ici, tannerie et dentelle étaient florissantes. Au XVIIIe siècle, Argentan ne comptait pas moins de quatre manufactures royales.
L’Emperesse et les Plantagenêt
Des premières fortifications d’Argentan, on ne sait que peu de choses, sinon qu’elles sont très anciennes. C’est Rollon, premier duc de Normandie, qui les fît bâtir, voire reconstruire, sur des vestiges gaulois ou gallo-romains. En 1046, le roi de France, tentant de s’emparer du duché normand, assiège la redoutable forteresse, détruisant ses remparts et y mettant le feu.
L’histoire d’Argentan est liée à celle du royaume d’Angleterre. L’actuel château est construit au début du XIIe siècle par Henri Ier Beauclerc. Vers 1360, la ville se dotera de deux enceintes : celle de l’intramuros, composé de 16 tours, et celle du bastion lui-même qui en compte quatre, encore visibles, devenant l’une des plus importantes places fortes de Normandie.
Après la mort d’Henri Ier, Argentan devient le refuge de son héritière, Mathilde l’Emperesse. En 1150, alors qu’Henri II, le fils qu’elle a eu avec son deuxième époux Geoffroy Plantagenêt, monte sur le trône anglais, elle s’installe au château. Elle règle désormais le sort de la ville, crée les sergenteries nobles et établit une foire franche.
Le pays du cheval et de la dentelle
Dès lors, Argentan va accueillir les personnages les plus illustres de son temps. Henri II d’Angleterre, Aliénor d’Aquitaine et leurs enfants : Richard « Coeur de Lion » et Jean sans Terre. Mais ce dernier, médiocre monarque et médiocre duc, perd la Normandie au profit de Philippe II. Argentan tombe aux mains des Français. Puis, c’est François II, duc de Bretagne, qui s’empare de la ville en 1465. Louis XI la reprend illico. Puis, lors des guerres de religion, Coligny et les protestants conquièrent la cité. En 1574, Jacques II Goyon, le seigneur de Matignon, à la tête de 6 000 catholiques, les chasse.
Au XVIIIe siècle, Louis XIV, désireux de trouver une terre propice à la production de chevaux pour contribuer à l’effort de guerre, avise le domaine du Buisson d’Exmes à une quinzaine de kilomètres d’Argentan. La qualité de ses pâturages et les facilités d’approvisionnement en eau en font un endroit parfait pour y installer un centre d’élevage et de dressage. Ce sera le désormais célèbre Haras du Pin. Il a encore aujourd’hui pour mission de promouvoir la filière équine et ses activités. Vous pourrez en visiter les jardins, le château, les écuries ou assister à un merveilleux spectacle équestre.
Si l’on en croit la légende, la dentelle d’Argentan puise son origine dans le Moyen Âge. Le fils du prévôt des marchands de Paris, en villégiature à Argentan en 1378, tomba sous le charme du travail des artisans de la ville. Vrai ou pas, qu’importe, il est certain que la renommée de ce savoir-faire local incite Jean-Baptiste Colbert à faire installer une manufacture dans la cité. Aristocrates et riches bourgeois sont prêts à dépenser des fortunes pour se procurer les merveilles inventées ici. Notamment celles piquées au « point de France », très belles, mais aussi très longues à fabriquer, très chères, et qui deviennent les plus recherchées d’Europe…
Un savoir-faire local toujours perpétué par les moniales de l’abbaye bénédictine.