Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Notre cerveau est colonisé par un hamster !
Des idées qui tournent en boucle, des jugements ressassés, des regrets qui reviennent inlassablement… Comment faire taire ce petit rongeur qui s’agite dans la roue du cerveau ?
Saviez-vous que votre cerveau était colonisé par un hamster ? Le petit rongeur a même un nom : Pensouillard. En tout cas, c’est ainsi que l’a baptisé le docteur Serge Marquis. Le psychiatre québécois, spécialiste du stress et des risques psychosociaux, tente de l’apprivoiser depuis des années à travers ses consultations et ouvrages (1).
« Ce hamster Pensouillard, c’est celui qui court toujours dans votre tête devenue sa roue. Il ne cesse de vous faire ruminer le passé, blâmer, accabler, critiquer, juger les autres. Il vous empêche parfois de dormir. »
« Moi, je »
Ce squatteur imaginaire représente « notre ego » ce repère autour duquel « nous lisons et analysons le monde ». Celui qui nous fait nous comparer aux autres, nous fait sentir supérieur avec un ego hypertrophié ou, au contraire, méprisé, incompris, en colère. Et génère ces pensées qui « polluent » le quotidien.
Pour Serge Marquis, « ce Pensouillard qui ramène tout à lui, à ce « moi, je », empêche de réfléchir calmement, d’être à l’écoute de ses vrais besoins et d’être dans une relation plus ouverte à l’autre. »
Problème, si le rongeur est confortablement installé chez nous, c’est que le fonctionnement neurologique l’y invite naturellement : « Notre cerveau a tendance à privilégier ce qui représente une menace. Il est sans arrêt sur le qui-vive, à l’affût de la petite phrase négative, remarque désobligeante, sentiment d’agressivité, qui vont le mettre en alerte et en mouvement pour répondre et se défendre. »
Les fameux « pourquoi untel me sort ça, pourquoi je dois toujours passer derrière tout le monde à la maison » ou encore « pourquoi mes posts ne récoltent pas autant de « likes » sur les réseaux sociaux »… Bref, tout ce qui met en route la folle roue du hamster et nous fait « naître un tas de films dans la tête et nous donne l’illusion d’être unique ».
Alors, s’il est illusoire de s’en débarrasser, le mieux serait d’apprendre « à le faire taire, à l’apprivoiser, car la plénitude n’a rien à voir avec le succès de cet ego ». Ce dernier menacerait aussi la créativité. « Quand on est accaparé à se défendre, quelle place reste-t-il pour profiter du présent, savoir encore s’émerveiller, apprendre, transmettre, profiter des gens que l’on aime ? » Le médecin invite à une « décroissance personnelle » car ce petit moi qui passe son temps à s’identifier « va inexorablement vieillir et se désagréger ».
(1) On est foutu, on pense toujours trop, Flammarion, 18,90 €.