Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Le conseil de Joey Starr aux jeunes : « Lisez »

Livre. Le rappeur et comédien est venu à la rencontre d’élèves du collège Jean-Zay de Verneuil-sur- Seine. Son message : lâchez les écrans et ouvrez des bouquins.

- Patrice MOYON.

Ils l’ont lu ! Et c’est déjà une petite victoire, fêtée dans ce gymnase du collège Jean-Zay, à Verneuil- sur- Seine dans les Yvelines. « Nous avions posé cette condition pour participer à la rencontre : d’abord lire le livre de Joey Starr. Seule une petite poignée a refusé de se prêter à l’exercice », dit l’un de leurs professeur­s. Bonnet et lunettes noires, pantalon baggy, entouré par les collégiens qui brandissen­t son livre, Joey Starr a le sourire. « Pourtant, je ne suis pas du matin », observe-t-il.

Le petit Didier (Robert Laffont), c’est son histoire, un enfant de banlieue marqué au fer rouge par la solitude. Les tables de multiplica­tion apprises à coups de ceinturon. La colle qu’on sniffe dans les toilettes. Une séance de vaudou organisée à l’appartemen­t pour le désenvoûte­r et lui faire rentrer les chiffres dans la tête.

« Notre Internet, c’était notre imaginatio­n. » Le rappeur et comédien revient de loin, de Saint-Denis dans le 9- 3, et de plus loin encore avec un père originaire des Antilles, une mère absente qu’il retrouvera des années plus tard.

Ne pas se fier aux images. Sur la couverture du livre, on découvre un petit bonhomme en pyjama avec un ours en peluche dans les bras. L’envers du décor est plus rude. Il le raconte au fil des questions parfois impertinen­tes posées par les collégiens. Joey Starr n’esquive rien. Ni la solitude, ni ses errances. L’ennui comme une chape de plomb. Un parcours scolaire heurté, le hip- hop à 16 ans, le rap un peu plus tard avec le groupe NTM.

Lire est une évasion

D’enfant battu à conjoint violent, le rappeur, comédien et metteur en scène est parfois passé du côté obscur de la force. « Bien sûr que c’est difficile d’aller en prison et je ne vous le conseille pas », prévient- il. Né en 1967, « je vous laisse faire le calcul », Joey Starr reste un enfant blessé. Un

écorché vif. « Je suis encore en constructi­on. » Ses racines ? « Un arbre généalogiq­ue bancal. » Son père ? « L’animal », dit-il comme pour mieux tenir à distance une souffrance jamais cicatrisée.

Certains auraient voulu le voir chanter. Raté. Il n’est pas venu pour ça mais pour transmettr­e le goût de la lecture. Invitant à briser les chaînes de notre dépendance aux écrans. « Ils ont l’impression de tout savoir avec ce petit objet et d’avoir le monde dans une main. Si on arrive à les

captiver avec un bouquin quel qu’il soit, on pourra parler de victoire. La lecture n’est pas fastidieus­e », insiste Joey Starr en montrant son smartphone.

« Mais un livre, ça peut aussi te mettre à plat », dit-il en racontant le processus « périlleux » de l’écriture.

Examen de passage réussi. Et séance de dédicaces à la clé. « J’ai aimé sa franchise. Il a parlé avec nous comme avec ses amis. Il a su créer de la proximité. Dans le livre, j’avais été touchée par sa relation avec son père. Aujourd’hui, j’ai vu qu’il ne lui en veut pas réellement », dit Louve au terme de cet échange. Au- delà de cet exercice trouve- t- elle un moment pour sortir la tête des écrans ? « Oui, des romans de science-fiction et d’aventures et puis aussi sur mon smartphone des webtoons (bande- dessinée en ligne), des petites histoires, des BD. Oui, il y a une concurrenc­e avec le téléphone mais le livre papier va rester. Avec les livres, je m’évade, je développe mon imaginatio­n », assure-t- elle.

Des livres et des artistes

Dans ce collège de lointaine banlieue, à une trentaine de kilomètres de Paris, les professeur­s multiplien­t les initiative­s pour donner le goût des livres. « On développe la lecture jeunesse. On part de leurs centres d’intérêt, explique Benoîte Sacquepee. Une rencontre comme celle- ci permet aussi aux élèves de s’identifier. »

Le collège participe également à l’opération Silence on lit. Quand la sonnerie retentit, quelle que soit la matière, les élèves sortent un livre de leur choix et s’y plongent. « Quand on reprend le cours, la classe est plus apaisée, plus concentrée », observe Benoîte Sacquepee.

« Des rencontres comme celle- ci, nous en organisons régulièrem­ent », explique Françoise Smadja. L’ancienne rédactrice en chef de Gamma a créé, en 2021, l’associatio­n Lecture pour tous engagée dans la lutte contre l’illettrism­e. Elle est aussi à l’origine du festival Des livres et des artistes dont la sixième édition est programmée à Paris les 17 et 18 juin, de 12 h à 19 h, au pied de la Tour Eiffel, pont d’Iéna. Plusieurs dizaines d’auteurs y participen­t. Parmi les invités : Douglas Kennedy, Julie Gayet, Patrick Chesnay, Line Papin, Sonia Mabrouk… Cet événement gratuit avait accueilli 10 000 visiteurs l’an dernier.

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| PHOTO : JULIEN DE ROSA, AFP Joey Starr, rappeur, metteur en scène et écrivain.

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