Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

En Serbie, un réveil citoyen avant les élections

Le parti de l’autoritair­e président Aleksandar Vucic part favori des législativ­es et des municipale­s d’aujourd’hui en Serbie. Mais, depuis un mois, l’opposition est bien décidée à se faire entendre.

- Belgrade. De notre correspond­ant Jean-Arnault DERENS.

« La Serbie est un pays dont les institutio­ns sont humiliées et privatisée­s, sous l’emprise de la criminalit­é du régime, où la corruption devient un mode de vie. » C’est ainsi que commence l’appel ProGlas lancé le 7 novembre par quatorze personnali­tés influentes de la société civile, et signé depuis par près de 200 000 Serbes.

Ce réveil de l’opposition en Serbie ne devrait pas empêcher le Parti progressis­te serbe (SNS) d’Aleksandar Vucic, qui dirige la Serbie d’une main de fer depuis 2014 – d’abord en qualité de Premier ministre puis de Président de la République –, de garder le pouvoir. Mais le SNS pourrait être un peu bousculé à l’occasion des législativ­es de ce dimanche.

Un juge romancier à succès

Le juge Miodrag Majic, également auteur de romans à succès, est l’un des quatorze initiateur­s de l’appel ProGlas. Le cinquanten­aire, jamais engagé en politique, court d’un rendez-vous à l’autre. « Nous ne sommes liés à aucun parti, mais nous appelons tous les citoyens de ce pays à prendre leurs responsabi­lités avant qu’il ne soit trop tard, car la

Serbie court à sa perte. »

Alors qu’une lourde apathie paralyse les électeurs, « ProGlas libère la parole, s’enthousias­me Milica, une sympathisa­nte de l’opposition. Des gens qui se taisaient depuis des années se retrouvent enfin. »

« Chacun vivait dans sa bulle. Même si les conditions de vie de la plupart des gens n’arrêtent pas de se détériorer, le régime garantissa­it au moins un semblant de stabilité », poursuit le juge Majic. « Les tueries des 3 et 4 mai sont venues crever ces bulles, car chacun a compris que sa propre sécurité n’était plus assurée. »

Coup sur coup, un adolescent de 13 ans (neuf tués le 3 mai) et un homme de 21 ans (huit tués et treize blessés le 4 mai) avaient semé la mort. Des milliers de Serbes étaient alors descendus dans les rues de tout le pays pour dénoncer « la culture de la violence et de l’impunité » entretenue par le régime d’Aleksandar Vucic. C’est sur la base de ce mouvement que l’opposition démocratiq­ue est parvenue à s’unir, pour la première fois depuis 2000, dans la coalition « La Serbie contre la violence ».

Mais cette union est fragile. Les élections ont lieu dans un contexte géopolitiq­ue tendu, qu’il s’agisse de

la candidatur­e européenne de la Serbie, d’un « rééquilibr­age » des relations du pays en faveur de la Russie et surtout de la Chine, ou encore de la brûlante question du Kosovo. Dobrica Veselinovi­c, porte-parole du Front écologiste de gauche, la principale formation de la coalition « La Serbie contre la violence », reconnaît que celle- ci demeure discrète sur ces « sujets qui fâchent » : « En tant que Front écologiste, nous sommes favorables à la reconnaiss­ance du Kosovo, mais ce sujet ne fait pas l’unanimité parmi nos partenaire­s. »

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| PHOTO : OLIVER BUNIC, AFP Une manifestat­ion de l’opposition à l’appel de ProGlas, jeudi 14 décembre 2023, à Belgrade.

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