Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Valérie Pécresse : « Sur l’immigration, On a besoin d’une ligne claire »
Immigration, logement, sécurité, JO… La présidente de la région Île-de-France, candidate de la droite à la présidentielle 2022, veut « apporter des solutions aux maux du pays ».
L’Assemblée a voté le rejet du projet de loi immigration. C’est un camouflet pour le ministre de l’Intérieur ?
C’est surtout l’absence de ligne politique qui a été sanctionnée. Le côté attrape-tout n’est plus possible. Les Français sont perdus. On a besoin d’une ligne claire pour protéger nos frontières et mettre fin à l’immigration incontrôlée. L’intérêt de cette motion de rejet est de faire revivre le texte du Sénat. Il faut un sursaut, avec une politique de fermeté assumée, ou ce sera le chaos.
Êtes-vous favorables aux quotas ? Ils permettront de choisir la nationalité des personnes que nous accueillerons et les professionnels dont notre économie a besoin. J’appelle de mes voeux une réforme de la Constitution, permettant une régulation de l’asile aux frontières, de renvoyer les étrangers dangereux chez eux, même s’ils ont une vie familiale en France. Autant de mesures, que j’avais proposées en 2022, qui sont impossibles à prendre aujourd’hui sans réforme de la Constitution.
La version écrite par le Sénat est-elle suffisante ?
Ce texte est nécessaire. C’est un pas dans la bonne direction, mais on ne pourra pas s’en contenter. Il doit être complété par une réforme de la Constitution.
Faut-il réformer l’aide médicale d’État ?
Oui. Ce qui me choque dans l’AME ce n’est pas l’accès aux soins urgents, qui est une nécessité humanitaire et sanitaire, ce sont les avantages liés à son attribution, comme la réduction de 50 % pour les transports en commun. Cela coûte des dizaines de millions d’euros aux contribuables. On est le seul pays à donner de tels avantages aux clandestins.
Dans six mois ont lieu les élections européennes. Qui doit mener la bataille dans votre camp ? François-Xavier Bellamy est à ma connaissance seul candidat. Il a la légitimité du travail accompli à Bruxelles.
Marion Maréchal appelle à une union des droites. Qu’en pensezvous ?
La droite et l’extrême droite n’ont pas les mêmes valeurs, ni le même projet. Éric Zemmour n’est qu’un passe-plat de l’extrême droite. Il tente d’amener une partie de la droite, qui ne votait pas pour l’extrême droite à soutenir Marion Maréchal. Or, je ne vois aucune différence entre elle et Jordan Bardella. Tous deux veulent faire dérailler l’Europe.
Craignez-vous une lourde défaite pour Les Républicains aux Européennes ?
Il y a une vraie politique de droite à défendre, ferme sur l’ordre et la liberté, celle que le pays attend, mais qui ne sème pas les graines de la guerre civile. Quand Éric Zemmour dit « Islam égale islamisme », dans un pays où il y a six millions et demi de
musulmans, il sait parfaitement les dégâts qu’il cause à l’unité nationale. Ce ne sera jamais ma ligne. En revanche, nous devons défendre sans faillir les valeurs de la République. Ce que nous avons demandé à nos compatriotes chrétiens et juifs par le passé, nous le demandons aussi aux musulmans : vivre conformément à nos lois et respecter la laïcité.
Qui voyez-vous comme candidat, à droite, pour la prochaine présidentielle ?
Une chose est sûre : en 2027, il faudra un représentant unique des idées d’autorité et de liberté, qui devra convaincre et rassembler les électeurs de droite aujourd’hui éparpillés.
Et vous ? Serez-vous à nouveau candidate ?
J’ai manqué mon rendez-vous avec les Français, mais je garde la passion de servir. Mon rôle c’est d’apporter des solutions aux maux du pays. J’ai fait au président de la République la proposition de donner quarante nouvelles compétences à ma Région.
Comment jugez-vous la situation économique de la France ?
De plus en plus de Français n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Même les classes moyennes ne parviennent plus à se loger. Le gouvernement a tellement endetté la France qu’il n’a plus le pouvoir de faire des chèques. La solution, c’est d’aller puissamment sur la simplification, sur la décentrali
sation pour arrêter les doublons. La santé, l’école, le logement sont en péril. Il faut un big bang. La politique des petits pas, ça ne marche plus.
Bruno Le Maire a justement annoncé des mesures de simplification… Il ne va pas assez loin. La société est bloquée. Un exemple sur la santé : face au manque de professionnels, on fait échouer nos étudiants et on importe les médecins de l’étranger. Des universités européennes forment à grands frais des jeunes Français, alors que tant de bacheliers brillants voudraient faire médecine dans nos facs. Expérimentons l’admission automatique en première année des bacheliers mention très bien.
Que proposeriez-vous sur le logement ?
On ne peut pas interdire à la fois la construction et la location au nom de l’écologie. Nous risquons la plus grave crise du logement depuis l’appel de 1954 de l’abbé Pierre. Je demande un moratoire sur l’interdiction de location des logements classés G, le droit de transformer tous les bureaux vides en logement et que des logements sociaux soient réservés en priorité aux travailleurs de première ligne, à proximité de leur lieu de travail.
Et sur l’école ? Que pensez-vous des résultats de la dernière enquête Pisa et de la baisse de niveau scolaire ?
Je suis très inquiète. Comme en Allemagne, il nous faut un « Pisa choc ». Faire de la France une nation éducative où nous mobilisons une réserve citoyenne pour l’enseignement et le soutien scolaire. En Île- de-France, en lien avec l’Éducation nationale et des professeurs de l’École normale supérieure (ENS), nous allons développer une nouvelle pédagogie et rédiger des « manuels libres » pour la rentrée 2024.
C’est-à-dire ?
Des manuels différents de ceux des éditeurs, qui partiront de situations concrètes dans la vie réelle pour expliquer les notions abstraites et rendre les mathématiques intéressantes. On l’a déjà fait pour l’économie au lycée. Ça marche !
Que nous disent les attaques contre des professeurs, comme cette semaine à Issou (Yvelines) et Rennes (Ille-et-Vilaine) ?
Que c’est devenu dangereux d’enseigner en France, à cause de la violence de certains élèves ou la pression de certaines familles. En Île- de- France, nous constatons depuis des années cette montée de la violence : nous concentrons 70 % des rixes de bandes du pays ! J’ai dû créer des brigades régionales de sécurité pour nos lycées. Depuis les émeutes de juin, j’ai décidé d’en doubler les effectifs. Mais on ne ramènera pas le calme sans sanctions efficaces.
Comment faire ?
Il faut revoir la justice des mineurs. Abaisser la majorité pénale. La sanction doit être certaine, rapide, et exécutée. 350 jours séparent le prononcé d’une peine de travaux d’intérêt général (TIG) et leur réalisation. Où est la valeur éducative ? Nous avons créé une agence régionale des TIG pour réduire ces délais. Il faut frapper les parents défaillants au portefeuille et prononcer pour les mineurs violents des privations de liberté.
Sur les Jeux olympiques, la maire de Paris Anne Hidalgo dit que les transports ne seront pas prêts. Vrai ?
Non ! Arrêtons l’autodénigrement, renouons avec l’esprit olympique, celui de la gagne collective ! Nous sommes un grand pays qui va accueillir le monde et lui en mettre plein les yeux. On travaille d’arrachepied et oui, nous serons prêts.
L’annonce du doublement du prix du ticket de métro pendant les Jeux passe mal. Vous le comprenez ? Notre offre de transports va augmenter de 15 % pendant les Jeux. Le surcoût est estimé à 200 millions. Cela représenterait une augmentation de 7 € du Pass Navigo mensuel des Franciliens. Je la refuse. Ils souffrent déjà de tous les travaux liés aux Jeux. Il est juste que les visiteurs payent pour leurs transports.
L’inscription de l’IVG (interruption volontaire de grossesse) dans la Constitution est lancée. C’est nécessaire selon vous ?
J’ai voté la résolution qui reconnaît l’avortement comme un droit fondamental. On peut aller plus loin et l’inscrire dans la Constitution. Mais attention à ne pas passer à côté de la vraie menace qui pèse sur l’IVG : la pénurie de médecins spécialisés ! Garantir le service public de santé partout et pour tous, c’est plus compliqué que réformer la Constitution.
Êtes-vous pour une grande loi sur la fin de vie ?
Commençons par remédier aux inégalités des Français face à la fin de vie en généralisant les soins palliatifs sur le territoire. C’est une immense injustice dont on parle si peu ! Cela dit, j’ai l’intime conviction que la loi Claeys/Leonetti ne résout pas toutes les situations de grande souffrance, et qu’il faudra la revoir.
Vous avez retiré le prix Simone Veil à Zineb El Rhazoui. Que vous inspire sa réaction ?
Ce prix est remis en accord avec la famille de Simone Veil, à une personne qui incarne son héritage. Ses membres ont été profondément choqués par les tweets de Mme El Rhazoui qui assimile à Auschwitz les actes de guerre commis à Gaza, banalisant la Shoah, ce qui va à l’encontre du combat de la vie de Simone Veil.
Elle dit que ce prix est désormais « entaché de sang ». Que lui répondez-vous ?
Que le message de Simone Veil est un message de paix et de réconciliation entre les peuples.
Anne Hidalgo a quitté X (ex-Twitter). Et vous ?
Pas moi. Je ne crains pas la confrontation d’idées avec des personnes qui ne pensent pas comme moi, même quand elles m’insultent. Ceci dit, je souhaite la levée de l’anonymat sur les réseaux sociaux et la responsabilité éditoriale des plateformes. L’absence de régulation européenne est un poison. Accepterions-nous que l’on puisse se promener cagoulé dans la rue pour injurier les passants ? Pourquoi tolérer cela sur les réseaux ?