Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Pour « redonner envie de lire » à leurs Élèves, ils multiplien­t les initiative­s

Les enfants et les adolescent­s lisent moins et moins bien. Dans les établissem­ents scolaires, de nombreuses initiative­s sont prises pour leur rendre le goût de la lecture.

- Reportage Florence PITARD. François CIVIL.

Un calme quasi surnaturel règne en ce début d’après-midi au collègelyc­ée profession­nel Saint- Exupéry de Vitré, en Ille- et-Vilaine. Au centre de documentat­ion et d’informatio­n (CDI) mais aussi dans les classes, professeur­s comme élèves ont le nez plongé dans un bouquin. 13 h 55, la sonnerie retentit, le sortilège est rompu. Chacun reprend les cours.

C’est ainsi chaque après- midi, de 13 h 45 à 13 h 55, dans cet établissem­ent privé. L’opération a été initiée par l’associatio­n parisienne Silence, On lit ! sous le nom de « Quart d’heure de lecture ». Comme les enseignant­s, comme le ministre de l’Éducation nationale, son fondateur, Olivier Delahaye, déplore que les jeunes lisent de moins en moins. « Il faut remettre la lecture au coeur des habitudes, précise celui qui met le « Quart d’heure » sous le signe du plaisir, tout en édictant des règles bien précises. Les jeunes doivent s’approprier la lecture comme une activité à eux. Ils ont le choix des ouvrages et les enseignant­s n’intervienn­ent pas ensuite. »

Un quart d’heure quotidien, cela suffit- il ? « Non, mais cela permet déjà d’apprendre des milliers de mots dans l’année ! » A Vitré, le quart d’heure est ramené à dix minutes. « Pour ne pas trop rogner sur les cours, reconnaît le directeur, Anthony Pascual. Mais nous y tenions vraiment. La lecture, c’est primordial. Notre public est parfois en difficulté, cela nous aide à éviter le décrochage. La capacité à lire des élèves s’améliore. »

« Ils ont toujours un livre sur eux »

C’est aussi un temps sans écran dans un quotidien « plombé par le numérique ». « Cela les incite à toujours avoir un livre sur eux, ils peuvent le ressortir dans la journée. » Mais il faut que chaque encadrant adhère. Le directeur, lui, lit chaque jour dans une classe différente.

Porteuse du projet depuis 2018 Claire Defendini, professeur­e documental­iste, note que le climat est plus apaisé. « Ça me calme quand je suis énervé, approuve Rayan, élève de 4e, tandis que Clarisse, également en 4e, renchérit : « Ça me fait du bien. »

Beaucoup d’élèves lisent des mangas ou des bandes dessinées. « Moi, je lis de tout, sauf des romans », précise Melvil, qui a en main la BD Les vétos. Cléa et Manoé, en 1re STAV (Sciences et technologi­es de l’agronomie et du vivant) lisent « un peu en dehors ». La première a en main Orgueil et préjugés de Jane Austen, la seconde Gisèle Halimi, une farouche liberté. « Cela a boosté le nombre d’emprunts au CDI, se réjouit Claire Defendini. Si nous arrivons à donner l’envie de lire, ne serait- ce qu’à quelques élèves, c’est gagné. »

À Rennes, au collège public Anne de Bretagne, Gaëlle Février, profes

seure de français, approuve. « Lire, c’est comme courir, il faut le faire tous les jours. » À l’instar de chaque enseignant, elle dispose d’un panel d’initiative­s sur le site Eduscol, comme rencontrer des acteurs du livre, décerner un prix… Elle a aussi participé à un concours de lecture à voix haute.

Mais elle était préoccupée par le fait

que de plus en plus de 6e avaient du mal à lire. « Cela impacte toute la scolarité ! Si déjà, vous ne comprenez pas les énoncés… » Indice concret du problème, la fluence, à savoir la vitesse de lecture. « En 6e, elle doit être de 130 mots à la minute. Certains sont en dessous. »

Il y a deux ans, elle a mis en place des ateliers lecture sur le temps du midi. Une quinzaine d’élèves volontaire­s participen­t. Ils viennent lire une demi-heure, aidés par des enseignant­s. « Nous avons acheté un livret d’entraîneme­nt à la lecture avec de multiples exercices. Il faut par exemple reconstitu­er des phrases dans lesquelles des mots ont disparu. Ou lire un texte en repérant des mots en trop, qui n’ont rien à faire là. Car lorsque le mécanisme de lecture est en place, le lecteur se débarrasse inconsciem­ment de ce dont il n’a pas besoin. Nous exerçons aussi la fluidité, grâce à la ponctuatio­n, en mettant le ton… » Elle constate de nombreux progrès : « Ils ont aussi davantage confiance en eux. Des réticences sont levées. »

« Il faut partager la lecture »

Dans le primaire aussi, les enseignant­s rivalisent d’efforts. À l’école Les Vallées de Voivres-lès-le- Mans (Sarthe), Pascal Madiot, enseignant­e de CE2- CM1 a un credo : « Il faut partager la lecture ». Elle se sert du livre Histoires pressées de Bernard Friot (éd. Milan) pour faire lire aux enfants des petites histoires devant la classe.

« Ils aiment lire devant les autres. » Et dans l’année, chacun présente un livre à ses camarades. Elle lit aussi des histoires à ses élèves : « On appelle cela des lectures offertes. »

Autre idée : les classes de « grands » vont faire la lecture aux bambins de maternelle. L’école dispose d’une petite bibliothèq­ue. « Les élèves y vont seuls, sont libres de choisir et ils se motivent entre eux. »

Les enseignant­s de l’école réfléchiss­ent collective­ment à la manière dont ils peuvent aussi « éduquer les parents ». « J’insiste lors des rendezvous, poursuit Pascale Madiot. Se retrouver seul face à un livre, c’est compliqué. Je leur dis : Installezv­ous avec vos enfants chaque soir, que ce soit un rituel. Lisez avec eux ! » « Je suis un mauvais exemple car j’ai très peu lu dans ma jeunesse (rires). Je réalise aujourd’hui que c’est essentiel. On est assaillis d’images mais la lecture a quelque chose de beaucoup plus personnel, de plus permissif en termes d’imaginaire. Chacun se crée son monde, va à son rythme, reprend le pouvoir… Donc je l’encourage. »

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| PHOTO : MARC OLLIVIER, OUEST-FRANCE Claire Defendini, professeur­e documental­iste (au centre) : « Si nous arrivons à donner l’envie de lire, ne serait-ce qu’à quelques élèves, c’est gagné »
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Au lycée Saint-Exupéry de Vitré, chacun arrête ses activités en début d’après-midi et se met
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| PHOTO : MARC OLLIVIER, OUEST-FRANCE « Il faut remettre la lecture au coeur des habitudes. »
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| PHOTO : MARC OLLIVIER, OUEST-FRANCE à lire pour le « Quart d’heure de lecture ».
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