Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Pour « redonner envie de lire » à leurs Élèves, ils multiplient les initiatives
Les enfants et les adolescents lisent moins et moins bien. Dans les établissements scolaires, de nombreuses initiatives sont prises pour leur rendre le goût de la lecture.
Un calme quasi surnaturel règne en ce début d’après-midi au collègelycée professionnel Saint- Exupéry de Vitré, en Ille- et-Vilaine. Au centre de documentation et d’information (CDI) mais aussi dans les classes, professeurs comme élèves ont le nez plongé dans un bouquin. 13 h 55, la sonnerie retentit, le sortilège est rompu. Chacun reprend les cours.
C’est ainsi chaque après- midi, de 13 h 45 à 13 h 55, dans cet établissement privé. L’opération a été initiée par l’association parisienne Silence, On lit ! sous le nom de « Quart d’heure de lecture ». Comme les enseignants, comme le ministre de l’Éducation nationale, son fondateur, Olivier Delahaye, déplore que les jeunes lisent de moins en moins. « Il faut remettre la lecture au coeur des habitudes, précise celui qui met le « Quart d’heure » sous le signe du plaisir, tout en édictant des règles bien précises. Les jeunes doivent s’approprier la lecture comme une activité à eux. Ils ont le choix des ouvrages et les enseignants n’interviennent pas ensuite. »
Un quart d’heure quotidien, cela suffit- il ? « Non, mais cela permet déjà d’apprendre des milliers de mots dans l’année ! » A Vitré, le quart d’heure est ramené à dix minutes. « Pour ne pas trop rogner sur les cours, reconnaît le directeur, Anthony Pascual. Mais nous y tenions vraiment. La lecture, c’est primordial. Notre public est parfois en difficulté, cela nous aide à éviter le décrochage. La capacité à lire des élèves s’améliore. »
« Ils ont toujours un livre sur eux »
C’est aussi un temps sans écran dans un quotidien « plombé par le numérique ». « Cela les incite à toujours avoir un livre sur eux, ils peuvent le ressortir dans la journée. » Mais il faut que chaque encadrant adhère. Le directeur, lui, lit chaque jour dans une classe différente.
Porteuse du projet depuis 2018 Claire Defendini, professeure documentaliste, note que le climat est plus apaisé. « Ça me calme quand je suis énervé, approuve Rayan, élève de 4e, tandis que Clarisse, également en 4e, renchérit : « Ça me fait du bien. »
Beaucoup d’élèves lisent des mangas ou des bandes dessinées. « Moi, je lis de tout, sauf des romans », précise Melvil, qui a en main la BD Les vétos. Cléa et Manoé, en 1re STAV (Sciences et technologies de l’agronomie et du vivant) lisent « un peu en dehors ». La première a en main Orgueil et préjugés de Jane Austen, la seconde Gisèle Halimi, une farouche liberté. « Cela a boosté le nombre d’emprunts au CDI, se réjouit Claire Defendini. Si nous arrivons à donner l’envie de lire, ne serait- ce qu’à quelques élèves, c’est gagné. »
À Rennes, au collège public Anne de Bretagne, Gaëlle Février, profes
seure de français, approuve. « Lire, c’est comme courir, il faut le faire tous les jours. » À l’instar de chaque enseignant, elle dispose d’un panel d’initiatives sur le site Eduscol, comme rencontrer des acteurs du livre, décerner un prix… Elle a aussi participé à un concours de lecture à voix haute.
Mais elle était préoccupée par le fait
que de plus en plus de 6e avaient du mal à lire. « Cela impacte toute la scolarité ! Si déjà, vous ne comprenez pas les énoncés… » Indice concret du problème, la fluence, à savoir la vitesse de lecture. « En 6e, elle doit être de 130 mots à la minute. Certains sont en dessous. »
Il y a deux ans, elle a mis en place des ateliers lecture sur le temps du midi. Une quinzaine d’élèves volontaires participent. Ils viennent lire une demi-heure, aidés par des enseignants. « Nous avons acheté un livret d’entraînement à la lecture avec de multiples exercices. Il faut par exemple reconstituer des phrases dans lesquelles des mots ont disparu. Ou lire un texte en repérant des mots en trop, qui n’ont rien à faire là. Car lorsque le mécanisme de lecture est en place, le lecteur se débarrasse inconsciemment de ce dont il n’a pas besoin. Nous exerçons aussi la fluidité, grâce à la ponctuation, en mettant le ton… » Elle constate de nombreux progrès : « Ils ont aussi davantage confiance en eux. Des réticences sont levées. »
« Il faut partager la lecture »
Dans le primaire aussi, les enseignants rivalisent d’efforts. À l’école Les Vallées de Voivres-lès-le- Mans (Sarthe), Pascal Madiot, enseignante de CE2- CM1 a un credo : « Il faut partager la lecture ». Elle se sert du livre Histoires pressées de Bernard Friot (éd. Milan) pour faire lire aux enfants des petites histoires devant la classe.
« Ils aiment lire devant les autres. » Et dans l’année, chacun présente un livre à ses camarades. Elle lit aussi des histoires à ses élèves : « On appelle cela des lectures offertes. »
Autre idée : les classes de « grands » vont faire la lecture aux bambins de maternelle. L’école dispose d’une petite bibliothèque. « Les élèves y vont seuls, sont libres de choisir et ils se motivent entre eux. »
Les enseignants de l’école réfléchissent collectivement à la manière dont ils peuvent aussi « éduquer les parents ». « J’insiste lors des rendezvous, poursuit Pascale Madiot. Se retrouver seul face à un livre, c’est compliqué. Je leur dis : Installezvous avec vos enfants chaque soir, que ce soit un rituel. Lisez avec eux ! » « Je suis un mauvais exemple car j’ai très peu lu dans ma jeunesse (rires). Je réalise aujourd’hui que c’est essentiel. On est assaillis d’images mais la lecture a quelque chose de beaucoup plus personnel, de plus permissif en termes d’imaginaire. Chacun se crée son monde, va à son rythme, reprend le pouvoir… Donc je l’encourage. »