Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Le vêtement de travail est arrivé tard en Bretagne
Le moment d’histoire. Pascal Aumasson, conservateur du patrimoine honoraire, a rendu au vestiaire de travail des Bretons ses lettres de noblesse, dans un livre richement illustré.
Conservateur du patrimoine honoraire, Pascal Aumasson a dirigé le musée d’art et d’histoire de Saint-Brieuc, le port-musée de Douarnenez, le Musée de Bretagne à Rennes et le musée des Beaux-Arts de Brest métropole.
Pourquoi une histoire des habits de travail en Bretagne ?
Pascal Aumasson s’y intéresse depuis des années. « Bien qu’il soit porté par tout le monde, tous les jours, le vêtement de travail est très rarement évoqué, contrairement au vêtement traditionnel, qu’il soit bigouden, du Trégor ou de Cornouaille », répond l’auteur d’Habits de travail, du labeur à la mode.
Lorsqu’il dirigeait le musée régional de Bretagne, aux Champs libres, à Rennes, Pascal Aumasson avait d’ailleurs lancé un collectage afin d’enrichir la collection textile du musée de témoignages de l’identité ouvrière de la région.
Quand apparaissent-ils ?
Le vêtement de travail standardisé apparaît en Bretagne au début du XXe siècle. « Avant lui, les travailleurs font avec le peu dont ils disposent afin de protéger leur corps. » Il apparaît alors dans les entreprises d’État, les seules à fournir des tenues professionnelles à leurs salariés, comme les arsenaux, la poudrerie de Pont- deBuis, la Manufacture des tabacs à Morlaix, dans le Finistère… Ailleurs, les employés doivent en acquérir sur leurs propres deniers.
Le vêtement, marqueur social ?
Du vêtement de protection à l’uniforme, il n’y a qu’un pas. Pascal Aumasson le résume ainsi : « On appartient au groupe des instituteurs quand on porte la blouse. Elle se distingue de la soutane du prêtre. Même chose pour le sarrau blanc de l’infirmière qui se distingue de la robe de la soeur soignante en cornette. »
On apprend dans son livre que le
port de l’uniforme d’infirmière est interdit aux dames patronnesses de la Croix- Rouge en 1915, ces dernières ayant tendance à confondre la tenue d’infirmière avec « une mode charmante » mais à fuir les hôpitaux quand les combats approchent.
Le bleu, « le » vêtement des ouvriers et artisans ?
À la fin du XIXe siècle, les progrès de l’industrie textile, particulièrement en matière de teinture, permettent l’émergence du complet bleu, décliné en salopette et combinaison, avec différentes poches et fermetures selon les métiers. Ce vêtement se répand et devient le vêtement type des artisans et ouvriers dans les catalogues.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’entreprise Dolmen, de Guingamp, est capable de suppléer le maître tailleur de Brest dont l’atelier a été détruit, dans la fabrication des bleus des ouvriers de l’arsenal.
Quels vêtements pour les femmes ?
Dans le catalogue de La Belle jardinière (1824-1972), référence en matière de vêtements de travail, la place réservée aux femmes tient en très peu de pages. « Cela se réduisait pour ainsi dire aux tabliers. »
Le vêtement de travail revendicatif ?
Il est fréquent de voir les mouvements sociaux faire appel aux vêtements professionnels pour manifester mécontentement et revendications. « Quand Chaffoteaux ferme, en 2009, à Saint-Brieuc, les ouvriers de Chaffoteaux posent nus pour un calendrier, abandonnant leurs vêtements de travail. En 2020, les personnels hospitaliers jettent leur blouse à terre, pour protester contre leurs conditions de travail. La même année, les avocats jettent leur robe en signe de refus de la réforme des retraites. »
Habits de travail. Du labeur à la mode, de Pascal Aumasson, aux éditions Coop Breizh, 39 €.