Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Le vêtement de travail est arrivé tard en Bretagne

Le moment d’histoire. Pascal Aumasson, conservate­ur du patrimoine honoraire, a rendu au vestiaire de travail des Bretons ses lettres de noblesse, dans un livre richement illustré.

- Emmanuelle MÉTIVIER.

Conservate­ur du patrimoine honoraire, Pascal Aumasson a dirigé le musée d’art et d’histoire de Saint-Brieuc, le port-musée de Douarnenez, le Musée de Bretagne à Rennes et le musée des Beaux-Arts de Brest métropole.

Pourquoi une histoire des habits de travail en Bretagne ?

Pascal Aumasson s’y intéresse depuis des années. « Bien qu’il soit porté par tout le monde, tous les jours, le vêtement de travail est très rarement évoqué, contrairem­ent au vêtement traditionn­el, qu’il soit bigouden, du Trégor ou de Cornouaill­e », répond l’auteur d’Habits de travail, du labeur à la mode.

Lorsqu’il dirigeait le musée régional de Bretagne, aux Champs libres, à Rennes, Pascal Aumasson avait d’ailleurs lancé un collectage afin d’enrichir la collection textile du musée de témoignage­s de l’identité ouvrière de la région.

Quand apparaisse­nt-ils ?

Le vêtement de travail standardis­é apparaît en Bretagne au début du XXe siècle. « Avant lui, les travailleu­rs font avec le peu dont ils disposent afin de protéger leur corps. » Il apparaît alors dans les entreprise­s d’État, les seules à fournir des tenues profession­nelles à leurs salariés, comme les arsenaux, la poudrerie de Pont- deBuis, la Manufactur­e des tabacs à Morlaix, dans le Finistère… Ailleurs, les employés doivent en acquérir sur leurs propres deniers.

Le vêtement, marqueur social ?

Du vêtement de protection à l’uniforme, il n’y a qu’un pas. Pascal Aumasson le résume ainsi : « On appartient au groupe des instituteu­rs quand on porte la blouse. Elle se distingue de la soutane du prêtre. Même chose pour le sarrau blanc de l’infirmière qui se distingue de la robe de la soeur soignante en cornette. »

On apprend dans son livre que le

port de l’uniforme d’infirmière est interdit aux dames patronness­es de la Croix- Rouge en 1915, ces dernières ayant tendance à confondre la tenue d’infirmière avec « une mode charmante » mais à fuir les hôpitaux quand les combats approchent.

Le bleu, « le » vêtement des ouvriers et artisans ?

À la fin du XIXe siècle, les progrès de l’industrie textile, particuliè­rement en matière de teinture, permettent l’émergence du complet bleu, décliné en salopette et combinaiso­n, avec différente­s poches et fermetures selon les métiers. Ce vêtement se répand et devient le vêtement type des artisans et ouvriers dans les catalogues.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’entreprise Dolmen, de Guingamp, est capable de suppléer le maître tailleur de Brest dont l’atelier a été détruit, dans la fabricatio­n des bleus des ouvriers de l’arsenal.

Quels vêtements pour les femmes ?

Dans le catalogue de La Belle jardinière (1824-1972), référence en matière de vêtements de travail, la place réservée aux femmes tient en très peu de pages. « Cela se réduisait pour ainsi dire aux tabliers. »

Le vêtement de travail revendicat­if ?

Il est fréquent de voir les mouvements sociaux faire appel aux vêtements profession­nels pour manifester mécontente­ment et revendicat­ions. « Quand Chaffoteau­x ferme, en 2009, à Saint-Brieuc, les ouvriers de Chaffoteau­x posent nus pour un calendrier, abandonnan­t leurs vêtements de travail. En 2020, les personnels hospitalie­rs jettent leur blouse à terre, pour protester contre leurs conditions de travail. La même année, les avocats jettent leur robe en signe de refus de la réforme des retraites. »

Habits de travail. Du labeur à la mode, de Pascal Aumasson, aux éditions Coop Breizh, 39 €.

 ?? PHOTO LUCIEN BAILLY, COLLECTION­S MUSÉE D'’RT ET D'’ISTOIRE – ILLE DE SAINT-BRIEUC, LO ?? Normaliens de Saint-Brieuc revêtus de leurs uniformes, vers 1920. Cette tenue de « hussard noir de la République » était onéreuse. La Ville de Saint-Brieuc octroyait des subvention­s aux futurs instituteu­rs.
PHOTO LUCIEN BAILLY, COLLECTION­S MUSÉE D'’RT ET D'’ISTOIRE – ILLE DE SAINT-BRIEUC, LO Normaliens de Saint-Brieuc revêtus de leurs uniformes, vers 1920. Cette tenue de « hussard noir de la République » était onéreuse. La Ville de Saint-Brieuc octroyait des subvention­s aux futurs instituteu­rs.
 ?? | PHOTO : GEORGES DE KEREVER, COLLECTION­S MUSÉE D’ART ET D’HISTOIRE – VILLE DE SAINT-BRIEUC, LO ?? La domesticit­é de la famille de Kerever, bonnes et nourrices, à Saint-Brieuc ou Morlaix, vers 1910.
| PHOTO : GEORGES DE KEREVER, COLLECTION­S MUSÉE D’ART ET D’HISTOIRE – VILLE DE SAINT-BRIEUC, LO La domesticit­é de la famille de Kerever, bonnes et nourrices, à Saint-Brieuc ou Morlaix, vers 1910.
 ?? PHOTO LUCIEN BAILLY, COLLECTION­S MUSÉE D’ART ET D’HISTOIRE – VILLE SAINT-BRIEUC, LO ?? Mineurs de la mine argentifèr­e de Trémuson (1926-1929). Ils portent des vêtements de coton épais passés à l’huile, alors appelés des cirages.
PHOTO LUCIEN BAILLY, COLLECTION­S MUSÉE D’ART ET D’HISTOIRE – VILLE SAINT-BRIEUC, LO Mineurs de la mine argentifèr­e de Trémuson (1926-1929). Ils portent des vêtements de coton épais passés à l’huile, alors appelés des cirages.
 ?? ?? Soignante de la Croix-Rouge, à Saint-Brieuc.
Soignante de la Croix-Rouge, à Saint-Brieuc.

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