Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

À la table de l’Empereur… et des dip

L’empereur Napoléon Bonaparte est loin d’être un gastronome. Il a néanmoins conscience que la table peut jouer un grand rôle politique et diplomatiq­ue.

- Dossier : Éric BIRLOUEZ.

Le jeune général Bonaparte accorde peu d’intérêt à la nourriture. Il mange de façon expéditive et… dès qu’il a faim, ce qui exige qu’il y ait toujours des plats prêts en cuisine. Lors des campagnes militaires, il ne s’assied même pas pour se restaurer : il tient en effet à donner à ses soldats l’image d’un militaire frugal. En temps ordinaire, il dîne le plus souvent seul, sauf le dimanche où il partage son repas avec sa famille. Il engloutit son repas en dix minutes, vingt s’il y a d’autres convives. Devenu empereur, il consent à y consacrer une demi-heure, puis se lève, abandonnan­t ses invités. Ses goûts sont fort simples : potages, côtelettes d’agneau, poulet, pâtes (archi- cuites !) et boudin à la Richelieu (servi avec des pommes épicées de cannelle). Son vin préféré, qu’il boit coupé d’eau glacée comme c’était l’usage à l’époque, est le chambertin, un vin de Bourgogne. Il consomme aussi beaucoup de café, ce qui lui permet de travailler tard dans la nuit.

Même s’il n’est pas du tout gourmet, Napoléon a néanmoins conscience que la table peut jouer un grand rôle politique et diplomatiq­ue. Il confie cette mission à Cambacérès, archichanc­elier, et à Talleyrand, diplomate, à qui il demande « d’avoir bonne table » et « de bien recevoir ». Ceux- ci organisent alors, plusieurs fois par semaine, des repas prestigieu­x pour des hommes politiques et des diplomates, français et étrangers. Les plats débordent de poissons, d’huîtres, de foie gras, d’asperges, de volailles, de truffes… Pour cela, Talleyrand n’hésite pas à recruter le plus grand chef de l’époque, Antonin Carême. Par ailleurs, à mesure que s’affirme sa puissance, l’Empereur réhabilite le cérémonial de l’Ancien Régime : tables disposées en U, exhibition de somptueuse­s pièces d’orfèvrerie ou de porcelaine, compositio­ns en sucre illustrant les campagnes victorieus­es, ballet des serviteurs qui apportent les plats…

Poulet Marengo

Après l’abdication de Napoléon 1er, les vainqueurs se réunissent à Vienne pour décider du sort des territoire­s de l’Empire. Talleyrand part y représente­r la France, avec la ferme intention d’utiliser son arme favorite, celle du banquet, pour espionner princes et diplomates. Il s’est installé à l’hôtel Kaunitz de Vienne où son chef cuisinier, Antonin Carême, organise des dîners fastueux. Bonne chère aidant, les invités laissent filtrer des informatio­ns confidenti­elles. Talleyrand peut aussi compter sur les valets pour lui rapporter ce qu’ils ont entendu pendant leur service. Le grand homme a beaucoup « retourné sa veste » au cours de sa carrière, au point qu’un contempora­in a dit de lui : « Le seul maître que Talleyrand n’ait jamais trahi est le fromage de Brie ! ».

Le veau Marengo : inventé un soir de victoire ? Ce plat serait né à l’issue de la bataille de Marengo (dans le nord de l’Italie) , remportée par Bonaparte sur les Autrichien­s en juin 1800. Affamé, le Premier Consul demande à Dunan, son cuisinier, de lui préparer un repas. Ce dernier doit improviser une recette avec le peu qu’il a sous la main : deux poulets, de l’huile d’olive, quelques tomates et oignons, de l’ail et du persil… Pour plus de rapidité, Dunan découpe la volaille en petits morceaux qu’il fait sauter à feu vif. Mais ce récit n’est pas authentifi­é par les historiens actuels : Dunan n’entrera au service du futur empereur que deux ans plus tard. La recette, sans doute d’origine piémontais­e, aurait été adaptée après la victoire : le poulet sera remplacé par du veau (ou du lapin) et on y ajoutera d’autres ingrédient­s (écrevisses, vin blanc, etc.).

Que mangeaient nos ancêtres ? Retrouvez l’histoire de l’alimentati­on aux éditions Ouest-France.

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Que mangeaient nos ancêtres ? Édition Ouest-France 128 pages, 16,90 €.
Eric BIRLOUEZ Que mangeaient nos ancêtres ? Édition Ouest-France 128 pages, 16,90 €.
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Le banquet de mariage de Napoléon Bonaparte e

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