Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

La forêt d’Andaine, domaine des fées…

Légendes et fantômes de l’Ouest. Chacun de ses recoins semble cacher une légende. La forêt d’Andaine, Brocéliand­e normande, est la résidence privilégié­e des sorcières et des fées.

- Françoise SURCOUF.

Ici, foisonnent feuillages, pins sylvestres, chênes, hêtres et bouleaux. Ici, règnent calme, silence et sérénité. Le promeneur qui parcourt les sentiers sinueux se sent comme coupé du monde, dans un univers presque parallèle où le temps semble suspendu. Andaine, dans l’Orne, est le lieu de tous les mystères.

La fontaine de Jouvence

Ainsi prétend- on qu’il existe au coeur de cette forêt magique une fontaine miraculeus­e dont l’eau guérirait les pèlerins. Voici bien longtemps, le seigneur Hugues de Tessé la découvrit par hasard. Sentant qu’il atteignait la fin de sa vie, il avait décidé de se retirer dans les bois d’Andaine avec son vieux cheval baptisé Rapide. Ce dernier, à peine parvenu à la lisière, s’enfuit. Lorsqu’il revint quelques heures plus tard, il semblait avoir retrouvé la vigueur de son jeune âge. Son maître le suivit alors jusqu’à une fontaine où il s’abreuva, retrouvant tout à coup force et allant. Était- ce la fontaine dédiée à saint Ortaire, située à l’entrée du hameau ou celle de sainte Radegonde, qui jouxte le prieuré ? Nul ne le sait avec certitude.

Une autre légende entoure le « roc au chien », ce surplomb rocheux tout de grès armoricain, situé près de Bagnoles- de-l’Orne. Elle narre la triste histoire d’un seigneur « méchant homme » qui, la veille de son mariage, avait violé les nonnes d’un couvent. La sanction divine tomba immédiatem­ent : il fut changé en monstre à tête de chien et se mit à semer la terreur dans la contrée, molestant notamment les femmes. Un jour, un jeune tailleur qui allait se marier, craignant que l’animal ne s’attaque à sa fiancée, décida de monter la garde devant sa maison. La nuit suivante, le monstre tenta de s’y introduire mais dut bien vite affronter l’amoureux qui, un peu magicien, psalmodia une formule magique et lança trois cailloux dans sa direction. Au troisième jet, le corps du gigantesqu­e canidé fut changé en ce bloc de pierre que tous nomment à présent « le roc au chien ».

Le lit de la fée Gione

Une autre légende se murmure aussi. Celle de la Gione, une fée diabolique dont le souvenir provoque encore crainte et appréhensi­on. Un dolmen, connu pour être le repaire de cette créature mystérieus­e, se trouve en bordure de la forêt d’Andaine. On dit que, vieille, laide et méchante, elle s’y mettait à l’abri, ce pourquoi il porte le nom de « lit de la Gione ». Cette dernière avait construit son habitation elle-même, glissant une à une les pierres dans les poches de son tablier. Bien qu’a priori peu séduisante, la fée exerçait sur les hommes une influence redoutable et nul ne se hasardait à la nuit tombée dans les parages de sa couche.

Selon la légende, Guy, le fils du seigneur de Bonvouloir, dont le château se trouvait non loin de là, manqua à cette interdicti­on et se glissa un soir de pleine lune dans les bois. Que se passa-t-il entre lui et l’étrange créatu

re ? Nul ne le sait mais, dès lors, comme affirmèren­t à voix basse et tremblante les serviteurs, la Gione vint rejoindre chaque soir le jeune homme dans sa chambre. Personne ne connut jamais le secret de leurs conversati­ons mais Guy semblait comme ensorcelé.

Au lendemain de ses fiançaille­s avec la fille du seigneur voisin, comme mû par une force inexorable, il s’enfonça dans la forêt et disparut. On ne devait jamais le revoir. Jalouse, la Gione l’avait, dit- on, conduit au sabbat (assemblée nocturne de sorcières) où elle le poussa à danser jusqu’à la mort. Certaine, désormais, de le garder pour toujours, elle enterra finalement Guy au coeur de sa grotte.

Gourmande, la fée rendait souvent visite aux paysans qui, terrorisés, se voyaient contraints de la recevoir. Attirée par l’odeur des crêpes, du lard et du pain chaud, elle entrait sans façon et dérobait ce qui lui plaisait. Les fermiers s’alarmaient de ces vols. Hélas, ils ne savaient que faire. Mais, un soir, alors qu’une odeur de soupe se répandait alentour, les enfants des fermiers placèrent une galettière rougie par la braise sur le tabouret où la Gione avait l’habitude de s’asseoir. Ce qu’elle fit à son arrivée dans la maison. Brûlée, elle poussa un cri terrible, s’enfuit par la cheminée et ne revint jamais au village.

La fée Gisèle aux Gorges de Villiers

La Gione n’est pas le seul esprit que cache la forêt. Non loin de SaintOuen-le- Brisoult, les Gorges de Villiers abritent aussi une créature fantastiqu­e plus accommodan­te, voire véritablem­ent bienveilla­nte. Au bord du sentier qui surplombe le pierrier se trouve une cavité naturelle percée dans la roche. Il s’agit de la grotte, aussi appelée « chambre aux dames », où vit la fée Gisèle, tant appréciée des paysans. En échange d’offrandes, elle fournissai­t autrefois aux agriculteu­rs une charrue et deux boeufs pour la journée. Après le labourage, au coucher du soleil, outils et bovins, tout disparaiss­ait !

Enfin, Andaine (ou Bruyère), éclaire les sentiers ombreux de sa silhouette lumineuse toute de grâce et de beauté. On l’aperçoit les soirs de pleine lune, se coiffant près des rochers de l’Ermitage ou de la vallée de la Cour. Le seigneur Raoul d’Argouges, qui possédait un domaine à Rânes, la demanda en mariage et l’emmena vivre en son château de Gratot. Hélas, l’aventure y tourna mal et Andaine regagna sa chère forêt. On raconte qu’elle hante toujours le château de Rânes, où l’on peut, au sommet du donjon, reconnaîtr­e l’empreinte de son pied.

 ?? | PHOTO : ARCHIVES OUEST-FRANCE ?? La forêt d’Andaine abrite des êtres légendaire­s bienveilla­nts ou maléfiques.
| PHOTO : ARCHIVES OUEST-FRANCE La forêt d’Andaine abrite des êtres légendaire­s bienveilla­nts ou maléfiques.
 ?? | PHOTO : ARCHIVES OUEST-FRANCE ?? Le menhir nommé lit de la Gione, en forêt d’Andaine.
| PHOTO : ARCHIVES OUEST-FRANCE Le menhir nommé lit de la Gione, en forêt d’Andaine.

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