Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Les mystères du « nouveau-né »
Le nouveau-né du Lorrain Georges de La Tour est un mystère. De ce tableau, l’un des plus célèbres de la peinture française, on sait peu de choses. Il date sans doute de 1645. Comment est-il arrivé à Rennes, où il a été retrouvé au lendemain de la Révolution et où il occupe toujours une place centrale au Musée des Beaux-Arts ? Pourquoi a-t-il été attribué, pendant des lustres, à divers auteurs avant d’être identifié comme un La Tour au début du siècle dernier ? Est- ce une scène religieuse : Jésus entre Marie et Marthe ? Ou une scène de la vie quotidienne ? N’y figurent ni Joseph, ni anges, ni bergers.
Ultime mystère, cette image de paix a été peinte dans une période d’extrême violence. La Lorraine, où Georges de La Tour passe l’essentiel de son existence, est ravagée par la Guerre de Trente jusqu’en 1648. Avec la guerre, les épidémies frappent à la porte : la peste suit les soldats et dépeuple la région. Le peintre doit fuir sa résidence à Lunéville (Meurthe- et-Moselle), incendiée par les mercenaires. Quel contraste entre la fureur de l’époque et cette image de temps suspendu au coeur de la nuit.
Deux femmes retiennent leur souffle à la flamme d’une bougie. Sur ce nouveau-né, elles posent un regard perplexe. Le regardent- elles, d’ailleurs ? Elles semblent plongées en elles-mêmes. Cette présence immobile et vulnérable, tout occupée à respirer, prend tout l’espace. Comme toujours, quand un nouveau-né arrive, la maison se tait. Chacun sait les sentiments mêlés, entre euphorie et inquiétude, de ces moments. L’enfant est-il en bonne santé ? A-t-il de la fièvre ? Quel adulte sera-t-il ? Serons-nous à la hauteur pour l’élever ? Seul le temps répondra.
Mais une certitude, quand même, au milieu de la nuit : il y aura demain une bonne raison, et plus grande que nous, de se retrousser les manches et de se remettre à l’oeuvre. Pour tous, croyants ou non, cela se fête, surtout au coeur de l’hiver. Bon Noël, à chacune et à chacun.