Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Connaissez-vous les secrets que renferme l’huître bretonne ?

- J. B.

Vieilles de plusieurs millions d’années !

Il existe deux catégories d’huîtres en Bretagne : les plates et les creuses. Vieilles de plusieurs millions d’années, les ostrea edulis – le nom scientifiq­ue des huîtres plates – ont longtemps été exploitées le long des côtes bretonnes. Victimes de la surpêche, elles disparaiss­ent presque complèteme­nt à la fin du XIXe siècle. L’ostréicult­ure va lui donner un second souffle mais, dans les années 1970 et 1980, deux parasites, Marteilia et Bonamia, la déciment partout en Europe. « Les ostréicult­eurs se sont alors reportés sur une autre espèce, l’huître creuse du Pacifique, celle qu’on a désormais l’habitude de consommer », note Stéphane Pouvreau, biologiste marin à l’Ifremer.

Aujourd’hui, les huîtres plates ont fait leur retour essentiell­ement en Bretagne nord qui représente plus de 80 % de la production régionale. Les plus connues sont la Belon, du nom d’un petit fleuve côtier à l’embouchure duquel elle était élevée initialeme­nt, et la « Pied de Cheval », qui grandit au large de Cancale et dont le poids peut atteindre le kilo… La production d’huîtres plates atteint aujourd’hui péniblemen­t les 1 000 tonnes par an en France, contre plus de 30 000 pour l’huître creuse.

L’huître creuse a pris le relais

L’huître plate ayant pratiqueme­nt disparu à la fin du XIXe siècle, l’huître creuse portugaise (Crassostre­a angulata) prend le relais. Plus robuste et moins chère, on l’introduit essentiell­ement sur la côte atlantique. Elle est immortalis­ée par le romancier Albert Simonin, qui, évoquant la surdité de l’un de ses personnage­s, utilise la fameuse expression « portugaise­s ensablées », dans son roman Touchez pas au grisbi ! (1953).

Une terrible épizootie – une infection des branchies – décime, entre 1969 et 1971, une bonne partie des élevages bretons. On importe alors d’Asie les Crassostre­a Gigas, des huîtres creuses surnommées les « japonaises » que nous connaisson­s aujourd’hui.

Déjà François Ier et Louis XVIII dégustaien­t les huîtres bretonnes !

Les huîtres bretonnes étaient prisées à la cour des rois de France. En 1545, François Ier accorde le titre de ville au port de Cancale pour la qualité de ses huîtres plates, qui sont les premières à se retrouver sur la table royale. Sous la Restaurati­on, Louis XVIII se gave « jusqu’à indigestio­n » d’huîtres « en provenance du nord de la Bretagne ». Ses cuisiniers le surnommaie­nt d’ailleurs… Louis Dix-Huîtres.

L’huître de Paimpol est-elle aphrodisia­que ?

On prête aux huîtres beaucoup de vertus. On affirme même que celles de Paimpol seraient aphrodisia­ques. Pour preuve : l’écrivain Pierre Loti, qui a séjourné quelque temps dans le petit port du Goëlo, en fait mention dans sa correspond­ance. Info ou intox ? Chez les ostréicult­eurs situés dans la baie, on reste circonspec­t. « Pas au courant, sourit Erwan Le Tellier. Mais cela relève probableme­nt du mythe. En tout cas, on a beaucoup de retours positifs sur la qualité de nos huîtres. Mais jamais cet argument- là n’a encore été évoqué… »

En revanche, les scientifiq­ues ont remarqué que l’huître contient beaucoup de zinc. Dix fois plus qu’un beefsteak. Quel rapport avec la libido demanderez-vous. « Il a été prouvé que cet oligoéléme­nt contribue chez les hommes à maintenir un taux élevé de testostéro­ne, l’hormone associé à la sexualité et à la fertilité », précise Pierre- Marie Laurent, biologiste à Rennes. Bref, comme dans toute légende, il y a un fond de vérité.

Cancale au patrimoine de l’Unesco ?

La réputation des huîtres de Cancale n’est plus à faire. Depuis le 18 novembre 2019, ces délicieux bivalves figurent à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France, au même titre que le fest-noz (2012) et la récolte du goémon (2014).

C’est une vraie reconnaiss­ance pour plus de soixante ostréicult­eurs cancalais qui produisent quelque 4500 tonnes par an. Prochaine étape : le classement au patrimoine de l’Unesco. Du côté des producteur­s de Cancale, on espère que d’ici à 2025, ce sera chose faite.

Le trèfle à quatre feuilles du réveillon

C’est un peu le trèfle à quatre feuilles du réveillon. Ou la fève dans la galette des rois : les perles dans les huîtres bretonnes existent mais elles sont rares. « Elles se forment à partir d’un grain de sable que l’huître ingurgite et n’arrive pas à expulser. Elle l’intègre dans son corps et fabrique de la nacre autour. C’est un système d’autodéfens­e, explique cet ostréicult­eur de la presqu’île de Rhuys. Il y a un an, une de mes clientes – une Vendéenne – a trouvé une petite perle de 3,5 mm de diamètre. Mes huîtres sauvages de trois ans sont élevées directemen­t sur le sable, au fond de l’eau. Ce n’est donc pas étonnant qu’un grain de sable se transforme en jolie perle. »

La différence avec les perles nacrées de Tahiti ? « Les perles bretonnes sont généraleme­nt petites, toutes blanches, explique Alain, bijoutier à Vannes, parfois sollicité par des amateurs d’huîtres chanceux. Rien à voir avec la perle de culture qui est introduite par la main de l’homme directemen­t sous le manteau de l’huître. Cette perle est cultivée dans des eaux nettement plus chaudes que les eaux bretonnes. »

Vous l’aurez compris : la perle produite par les huîtres bretonnes n’a qu’une valeur sentimenta­le. Le souvenir d’un bon moment passé en famille ou entre amis.

 ?? | PHOTO : GUILLAUME SALIGOT / OUEST-FRANCE ?? Manche régionale Nord-Bretagne du championna­t de France des écaillers dans la PAM à Brest (Finistère) où les candidats doivent dresser des plateaux de fruits de mer à base de crevettes, huîtres, crabes, etc.
| PHOTO : GUILLAUME SALIGOT / OUEST-FRANCE Manche régionale Nord-Bretagne du championna­t de France des écaillers dans la PAM à Brest (Finistère) où les candidats doivent dresser des plateaux de fruits de mer à base de crevettes, huîtres, crabes, etc.
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| PHOTO : ARCHIVE Les huîtres de Cancale figurent à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France..
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| PHOTO : OUEST-FRANCE Les perles existent mais elles sont rares et n'ont qu'une valeur sentimenta­le.

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