Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
À travers la pêche, il voit le dérèglement climatique
Explorateur infatigable, Jean-Michel Sy consacre sa vie à parcourir le monde pour organiser des séjours de pêche. Il compose avec les défis géopolitiques et écologiques depuis Trébédan.
Pendu au téléphone, Jean-Michel Sy s’interroge tous les jours des conséquences géopolitiques sur son activité de tour- opérateur, depuis son bureau de Trébédan, bourg de 420 âmes, près de Dinan.
Cet ancien responsable des grands comptes chez American Express a décidé du jour au lendemain de changer de vie pour se consacrer à sa passion. Depuis trente- cinq ans, il explore les endroits les plus secrets et exclusifs de la planète pour y emmener pêcher par petits groupes quelques « privilégiés » mordus de pêche sportive.
Le challenge est loin d’être simple : entre crises politiques qui interdisent l’accès aux pays et conséquences du dérèglement climatique sur la migration des poissons, le job est devenu un vrai casse-tête où il faut sans cesse revoir sa copie pour trouver le spot idéal.
Tout un réseau d’informateurs locaux
L’histoire du baroudeur commence très jeune, lorsque gamin, son père l’emmène crapahuter dans les bois ou taquiner le gardon en eau douce. « Depuis mon enfance, j’ai été bercé par les aventures de Daktari, l’histoire d’un vétérinaire au Kenya et de son lion Clarence doté d’un fort strabisme, raconte-t-il. À l’école, lorsque l’on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je disais que je voulais capturer les animaux en Afrique pour les soigner. J’ai ensuite revu mes prétentions à la baisse et me suis concentré sur les poissons. »
C’est dans les années 1990 que Jean- Michel Sy troque le costumecravate pour le treillis de brousse et propose aux agences de voyages des circuits de pêche en Afrique de l’ouest au début, puis dans le reste du monde par la suite. En 2002, Il crée Mémoire d’un fleuve, sa société de tour- opérateur dédiée à la pêche sportive.
« C’est le poisson qui me guide, précise-t-il, car le tarpon, le barracuda, le thazar, le mérou, la carpe rouge ou l’otolithe ne se pêchent pas au même endroit du globe. C’est pourquoi je dispose de tout un réseau d’informateurs locaux qui me font remonter les renseignements. Au Gabon, par exemple, le groupe que j’accompagne pêche au milieu des parcs nationaux dans une nature vierge au milieu des éléphants et de la faune sauvage. Nous pratiquons le no kill, une pratique un peu frustrante pour les locaux qui ne comprennent pas qu’on relâche le poisson. »
« Premiers témoins du changement climatique »
Loin de se cantonner à une simple passion, Jean-Michel Sy considère la pêche sportive comme une fenêtre fascinante sur le monde sous-marin et un indicateur crucial du changement climatique. Selon lui, observer la migration des poissons offre des signaux précieux sur les transformations environnementales.
« Nous, pêcheurs, sommes les premiers témoins du changement climatique, constate- t- il. Cela fait très longtemps que nous sommes conscients des phénomènes comme El Niño qui perturbent la migration des poissons. En fait, les meilleurs indicateurs sont sous l’eau. En Bretagne, les gens sont étonnés de trouver des thons rouges, des barracudas, des requins ou des espèces tropicales. S’ils savaient ce qui se passe sous l’eau, ils n’iraient peut- être pas se baigner aussi facilement. »
Pour concevoir ses circuits hors des sentiers battus, Jean-Michel Sy travaille en concertation avec France diplomatie, afin d’être certain d’envoyer les petits groupes dans des lieux sécurisés. « Nous avons beaucoup bossé par le passé sur Djibouti et nous travaillons actuellement avec l’Arabie saoudite qui dispose de spots de pêche et de plongée incroyablement préservés. » Autre moyen de partager sa passion pour la pêche : Jean-Michel intervient sur la chaîne Seasons et collabore aux émissions destinées aux pêcheurs XXL.
Ancien Parisien, l’explorateur a depuis dix ans posé ses valises à Trébédan, un peu par hasard, et intervient régulièrement dans la formation des futurs guides de pêche au lycée agricole de Caulnes. Sa quête de lieux d’exception s’accompagne d’une sensibilisation au fragile équilibre de l’écosystème marin. Il souhaite transmettre aux plus jeunes l’importance de comprendre les signaux qu’envoie la nature.
Contact : www.memoiredunfleuve.com. Tél. +33 (0)6 80 38 41 75.