Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
La gastronomie, l’art du bien manger,
Au XIXe siècle, les ouvrages sur la cuisine connaissent un grand succès, à l’image de ceux de Grimod de La Reynière et Brillat- Savarin, pères de la gastronomie.
En 1801, la langue française se dote d’un nouveau mot. Il apparaît dans le titre d’un poème La Gastronomie ou l’Homme des champs à table. Son auteur, Joseph Berchoux, n’a pas inventé ce terme, il a juste remis au goût du jour un mot du grec ancien dont la signification est « la loi de l’estomac ».
Deux personnages vont s’efforcer de codifier cette notion nouvelle au travers de textes littéraires d’un genre nouveau. L’initiateur est un aristocrate nommé Alexandre Balthazar Grimod de La Reynière. Il naît à Paris en 1753. Le nouveau-né est handicapé - ses doigts sont mal formés — et très intelligent : il entre au lycée Louis-leGrand puis devient avocat. Mais Grimod ne s’intéresse pas qu’aux questions juridiques. En 1802, il publie un ouvrage volumineux qu’il intitule Almanach des gourmands. Mis à jour chaque année, ce « guide » propose des itinéraires de « promenades nutritives » dans Paris, avec l’indication des adresses de commerces et de restaurants offrant des produits et des mets de qualité. Cette littérature gourmande inédite connaît un très grand succès : elle répond au besoin qu’expriment les élites bourgeoises issues de la Révolution de s’approprier la manière de manger des aristocrates.
En 1808, paraît un nouvel ouvrage : le Manuel des Amphitryons. Le lecteur y apprend comment bien recevoir, découper viandes et poissons, composer des repas et respecter les « éléments de politesse gourmande » (c’est- à- dire les invitations, l’accueil et le placement des convives, le déroulement du service, etc). En 1809, Grimod invente les « jurys dégustateurs ». Chaque mardi, ceux- ci se réunissent pour évaluer la qualité des aliments et mets que leur proposent, de façon anonyme, les « artistes en bonne chère » (restaurateurs, traiteurs, commerçants, charcutiers, pâtissiers, confiseurs…) qui désirent se soumettre au verdict de ces « professeurs en gourmandise ». Si le plat ou le produit proposé a convaincu le jury, il fait l’objet d’une présentation dans l’Almanach des Gourmands.
L’autre grande figure de la gastronomie est Jean-Anthelme Brillat- Savarin. Il voit le jour en 1755 à Belley (Ain). À l’âge de 70 ans, le magistrat originaire de l’Ain met un point final à Physiologie du Goût ou méditations de gastronomie transcendante. L’ouvrage, publié anonymement et à compte d’auteur, paraît quelques semaines avant la mort de l’écrivain. Il connaît un succès éditorial immédiat… Il ne s’agit pas d’un recueil de recettes : comme Grimod de la Reynière, Brillat- Savarin n’est pas un professionnel mais un intellectuel de la cuisine et de la bonne chère. Dans un style malicieux et avec humour, l’auteur de Physiologie du Goût mêle anecdotes et souvenirs personnels, recettes et poèmes, réflexions historiques, philosophiques, diététiques et même « scientifiques » sur la gastronomie. Brillat- Savarin affirme en effet que la gastronomie est une véritable science, qu’il définit comme « la connaissance raisonnée de tout ce qui a rapport à l’homme, en tant qu’il se nourrit ». Placés en préface de l’ouvrage, ses « aphorismes » (ou maximes) sont, pour certains d’entre eux, devenus célèbres.
Deux siècles après Joseph Berchoux, la quête du « bonheur à table » fait toujours partie de notre culture française. Le plaisir de manger ne se limite pas aux seules satisfactions sensorielles que nous procurent les bons aliments et mets. Il tient aussi beaucoup au fait que le repas est partagé… Au XVIe siècle déjà, Montaigne écrivait : « Il n’est point de si doux apprest pour moy, ny de sauce si appétissante, que celle qui se tire de la société. »