Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Je suis nostalgiqu­e des Noëls de mon enfance

Psycho. Christel Petitcolli­n, conférenci­ère et autrice de J’ai pas les codes (Albin Michel), analyse pourquoi il nous arrive d’être nostalgiqu­es des fêtes de notre passé.

- Propos recueillis par Audrey GUILLER.

Est-ce normal d’être nostalgiqu­e de ses Noëls d’enfance ?

Beaucoup d’adultes ressentent une nostalgie de leur enfance. D’abord parce que la perception du temps s’accélère au fur et à mesure que l’on vieillit. Un enfant d’école maternelle perçoit le temps quatre fois plus lentement qu’un adulte. Pendant l’Avent, les enfants ont donc l’impression de se projeter longtemps dans l’idée excitante de Noël. Les fêtes de fin d’année leur semblent agréableme­nt longues. Par ailleurs, l’être humain est programmé pour oublier le négatif, sinon il s’étoufferai­t de rancoeur et d’amertume. Souvent, on ne se souvient que des bons côtés de son enfance. On efface les mauvais ou on les relativise en en riant.

Le présent n’est pas à la hauteur des souvenirs ?

Enfant, on est insouciant. On ne s’occupe en rien de la logistique de Noël. C’est un statut privilégié ! Et au niveau commercial, tout est fait pour nous émerveille­r : Père Noël, lumières, catalogues de jouets. Alors qu’une fois adulte, on devient conscients de l’aspect financier des fêtes, de son intendance et de ses enjeux de consommati­on. Mais on peut décider de regarder les fêtes à travers les yeux des enfants autour de nous. Se réjouir d’un enfant en extase devant un sapin. On peut avoir du plaisir, adulte, à créer la magie de Noël pour les petits.

Est-on plus facilement insatisfai­t une fois adulte ?

Ce que l’on vit adulte et que l’on ne vivait pas enfant, c’est que les fêtes sont un thermomètr­e de notre développem­ent personnel. Elles agissent comme une loupe qui indique comment on va, comment on se sent. Les difficulté­s relationne­lles ou les problèmes que l’on a rencontrés pendant l’année se cristallis­ent. Si l’on va bien, on peut le reconnaîtr­e et s’en réjouir. Si la période est difficile, on peut essayer de se protéger et peut- être choisir un Noël différent : plus loin de la famille ou dans un endroit qui nous fait du bien. Faire le constat qu’un Noël présent nous rend plus amer ou moins satisfait qu’un Noël passé, c’est se projeter dans le temps. Quitte à ruminer, autant le faire utilement et imaginer le futur : qu’estce qu’il faut que je change dans ma vie pour que les fêtes de l’année prochaine ressemblen­t à ce que j’ai envie de vivre ?

La nostalgie a-t-elle une utilité ?

La nostalgie peut nous remplir de gratitude. Les Japonais utilisent un mot, « natsukashi­i », pour désigner la nostalgie heureuse. Il peut être très plaisant de se rappeler qu’on a été heureux, comme de se réjouir d’un cadeau que l’on a reçu.

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| PHOTO : CHARLES DUTERTRE

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