Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Réveillon ou pas, les Restos du coeur font le plein

Pendant les fêtes, les centres de distributi­on de l’associatio­n ne désempliss­ent pas. Une situation toujours tendue, quatre mois après l’appel à l’aide lancé par le président des « Restos ».

- Pierre-Antoine LIVENAIS.

« Il y a du poisson, du riz aussi ! Vous en voulez ? » En cette fin d’année, Françoise est sur le pont. Affairée à servir des lots de nourriture aux personnes dans le besoin, cette bénévole des Restos du coeur déroge à la supposée trêve des fêtes de fin d’année. Devant son étal, où sont stockés les produits frais, les bénéficiai­res défilent, tour à tour, leurs sacs remplis de légumes, boîtes de conserve ou produits laitiers. « Pour les fêtes, on a aussi reçu de bonnes choses à distribuer. Du magret de canard, des pains surprises, du pâté en croûte et même du homard ! » nous montre la retraitée, bénévole aux « Restos » depuis douze ans.

Pas de trêve pour les fêtes

Prévues trois fois par semaine, dans un local de l’associatio­n situé au nord de Rennes, ces distributi­ons de nourriture attirent les foules. De plus en plus nombreuses et aux profils de plus en plus diversifié­s. « Près de 45 % des personnes accueillie­s ont moins de 26 ans, déplore Pierrick Armand, le trésorier départemen­tal de l’associatio­n en Ille- et-Vilaine. Il y a des femmes seules avec leurs enfants, de jeunes travailleu­rs à temps partiel, des étudiants, étrangers ou non. »

En ce mercredi 28 décembre, la distributi­on, prévue entre 13 h 30 et 17 h 30, est « réservée » aux familles nombreuses. « Quatre, cinq, six membres et plus », explique-t- on à l’entrée. À l’extérieur du local, la file d’attente s’étire malgré le froid. Parmi les quelque 250 familles attendues dans l’après- midi, Kastrati Orhan, 36 ans, père de quatre enfants, est venu avec sa femme, comme chaque semaine depuis près de six ans. « On nous a distribué des frites, des cordons-bleus, des madeleines, se satisfait- il, à quelques jours du réveillon, les bras chargés, presque débordants de denrées alimentair­es. Cela va nous permettre de tenir quelques jours. Deux, peut- être

trois, avec le réveillon du 31 décembre. On va essayer de partager notre nourriture avec des amis, ou de la famille. »

Près de quatre mois après l’appel à l’aide lancé par Patrice Douret, président de l’associatio­n, la catastroph­e semble, pour le moment, avoir été évitée. Début septembre, sur le plateau de TF1, il tire la sonnette d’alarme, assurant que l’associatio­n n’aura pas les moyens d’accueillir tout le monde pendant l’hiver : « En un an, on a distribué 170 millions de repas, c’est 30 millions de plus que l’année précédente. Il faut un plan d’urgence alimentair­e. »

En cause, l’augmentati­on croissante des demandeurs bénéficiai­res, la baisse constatée des dons et, parfois même, des denrées reçues à date limite de consommati­on. Dans ce cas-là, des kilos de nourriture­s sont jetés par les bénévoles. « Après l’appel de notre président, on a connu un petit regain de générosité de

la part des particulie­rs, là où les dons avaient un peu diminué depuis le Covid, constate, partiellem­ent soulagé, Pierrick Armand. Mais ce n’est pas suffisant. On n’est pas encore sortis de la difficulté. Si l’on n’agit pas, on sait que le modèle économique des Restos du coeur ne survivra pas. »

« Compliqué de devoir dire non »

À l’approche des fêtes, la situation aurait pu empirer mais finalement, l’associatio­n va passer l’hiver : « La situation n’est pas si différente pendant cette période de réveillons. » Cependant, les choses se dégradent sur le long terme, depuis plusieurs années. À tel point que cet hiver, près de 150 000 personnes se sont vues refuser leur accès à l’aide alimentair­e en France. Devant l’afflux de demandeurs, l’associatio­n avait été obligée de durcir ses conditions d’accueil (compositio­n de la famille et ressour

ces financière­s). « On essaie tout de même de leur donner un petit panier, pour ne pas qu’ils repartent les mains vides, chuchote un bénévole. Mais c’est compliqué pour nous, de devoir dire non. On n’a pas été recrutés pour cela. Alors, on aiguille les gens vers d’autres services offerts par l’associatio­n : coiffeur, séances d’informatiq­ue, soins dentaires… »

Et pour les plus démunis – « les gens de la rue » – l’associatio­n a prévu de distribuer des repas chauds, lors de maraudes organisées à Rennes et dans d’autres grandes villes de France, les soirs de Noël et du 1er janvier. « Fêtes ou pas fêtes, les gens ont toujours faim. Aider de façon inconditio­nnelle, de manière gratuite, était la condition de départ, on la maintient », assure le trésorier de l’associatio­n. Dépasser, encore un peu plus, le chacun pour soi.

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| PHOTO : MARC OLLIVIER, OUEST-FRANCE Distributi­on alimentair­e au local situé dans le nord de Rennes, sous un portrait de Coluche.

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