Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Bangladesh : Sheikh Hasina verrouille son pouvoir
Première ministre depuis 2009, longtemps saluée pour ses succès économiques, la leader de 76 ans est accusée d’autoritarisme par l’opposition, qui boycotte les législatives de ce dimanche.
Pour ses détracteurs, l’égérie de la démocratie, embastillée onze mois par les militaires en 2007, est devenue par son autoritarisme une menace pour les libertés au Bangladesh. Exagéré ? En tout cas, Sheikh Hasina, 76 ans, fille du père fondateur de l’indépendance en 1971, est assurée d’un quatrième mandat consécutif.
Première ministre du Bangladesh depuis 2009 (ainsi qu’entre 1996 et 2001), elle n’affronte pas d’opposition sérieuse lors des législatives de ce dimanche. Le Bangladesh Nationalist Party (BNP), ennemi juré de l’Awami League au pouvoir, boycotte un scrutin qu’il juge factice.
Après des accusations de fraude en 2019, le BNP exigeait des élections sous une autorité intérimaire neutre. Refus de Sheikh Hasina. Résultat ? Un scrutin « purement procédural », explique Mubashar Hassan, expert du Bangladesh à l’Université d’Oslo, né à Dacca. « Avant les élections, Sheikh Hasina a enfermé des milliers de membres de l’opposition
puis elle a rempli les circonscriptions grâce à des candidats fantoches. »
Arrestations en série
La crise politique a culminé le 28 octobre, lorsque le BNP a organisé une grande manifestation dans la capitale Dacca pour dénoncer la mainmise du pouvoir sur la machinerie électorale. Il y a eu des affrontements avec la police et près de 1 500 arrestations, scellant la décision du BNP de ne pas participer. Hier encore, sept responsables du BNP ont encore été arrêtés, accusés d’avoir organisé l’incendie d’un train à Jessore (ouest), ce qu’ils nient farouchement.
Pour combler le manque d’oppo
sants, des candidats étiquetés « indépendants » ont été désignés à la hâte, mais la plupart appartiennent à l’Awami League.
Le divorce entre les deux forces politiques du pays est total, analyse Imtiaz Ahmed, professeur de relations internationales à l’Université de Dacca. « Chacun accuse l’autre de vouloir détruire la démocratie. La vie politique est dans une impasse, d’autant que par son absence, le BNP se prive du droit de critiquer d’éventuelles fraudes. »
À l’approche du scrutin, l’opposition a tenté de dénoncer la dérive autoritaire du régime sur la scène internationale, où Sheikh Hasina est créditée d’avoir sorti une partie des 160 mil
lions de Bangladais de l’extrême pauvreté, en électrifiant et en industrialisant le pays, ou encore d’avoir oeuvré à l’éducation des filles.
Les États- Unis ont publiquement affiché leur inquiétude et menacé de suspendre les visas de ceux qui « sapent le processus démocratique ». Cela n’a pas inquiété plus que cela Sheikh Hasina, qui sait pouvoir compter sur le soutien de l’Inde, le grand voisin.
Le taux de participation sera faible, prédit Mubashar Hassan. « Les élections étaient autrefois un moment phare dans la vie des Bangladais, mais ce n’est plus le cas sous ce gouvernement autoritaire. »