Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Quand la mairie offre des thérapies conjugales
La séparation des couples coûte cher aux collectivités en constructions de logements. À Viroflay, en Île- de-France, la municipalité a décidé d’offrir des séances de thérapies conjugales et familiales.
Il y a mille raisons de se séparer pour un couple : la communication, la charge mentale, la belle-famille, l’éducation des enfants, l’héritage, l’adolescence, la retraite, la répartition des tâches… Certains s’ouvrent, d’autres se renferment, se tendent voire se noient.
C’est tout cela qu’explore Emmanuelle Leprince-Ringuet lors de ses consultations. Cette conseillère conjugale et familiale suit une dizaine de couples et une trentaine de personnes seules, mariées ou célibataires, à Viroflay (16 000 habitants), dans les Yvelines, afin de les conduire à mieux discerner et verbaliser leurs problèmes. « Qu’est- ce qui se joue ? Qu’est- ce qui fait que ce n’est plus possible ? » questionne-t- elle. Le suivi, jamais à son initiative, peut durer une semaine ou plusieurs mois.
Rien de bien original, direz-vous ? Sauf qu’Emmanuelle Leprince-Ringuet reçoit en mairie, et surtout, à la demande de la mairie, qui a initié avec elle ce « partenariat ». Les séances sont même offertes aux habitants qui les demandent (comptez minimum 60 € dans le privé).
Le maire, Olivier Lebrun (sans étiquette), est attaché à ce qu’il appelle « la conjugalité durable », dit- on dans les couloirs. Mais aussi au porte-monnaie de la commune. « En 2017, on s’est aperçu que plus de la moitié de nos demandeurs de logements sociaux étaient des familles monoparentales, explique Laure Cottin,
adjointe en charge des affaires familiales et sociales. Et que 50 % de notre budget d’aides sociales, soit plusieurs dizaines de milliers d’euros par an, leur était également distribué. D’où cette question : qu’est- ce qui les amenait à avoir un niveau de vie plus restreint alors qu’il nous semblait que l’État les accompagnait déjà ? »
Le niveau de vie des femmes plus impacté
En France, 425 000 séparations conjugales (divorces, ruptures de Pacs ou de concubinage) ont lieu chaque année, impactant environ 380 000 enfants mineurs, selon un rapport publié en 2020 par la Direction de la recherche, des études, des évaluations et des statistiques (Drees). Elles entraînent chaque année la construction de 90 000 logements supplémentaires.
Outre le traumatisme émotionnel, les conséquences sont évidemment nombreuses, parmi lesquelles une paupérisation qui touche en priorité les femmes puisqu’un an après la rupture, ces dernières sont confrontées à une baisse de leur niveau de vie de 20 à 30 % (contre 3 % mesurés pour les hommes). « Cela les fragilise, même lorsqu’elles ont des revenus corrects », dit Laure Cottin.
Un cas concret : mi- décembre, lors de la dernière commission logement de la commune, onze dossiers étaient en balance pour un appartement T3. Sur les onze, dix de femmes en situation monoparentale. « Qui dit couple qui se sépare dit nécessité de trouver deux chez- soi. » Les demandes de logements sociaux émanant de familles monoparentales explosent.
Tout cela pèse sur les finances publiques. Laure Cottin a eu cette
idée : « L’État accompagne, c’est nécessaire. Mais à quel moment fait- on de la prévention sur ce sujet qui peut toucher tout le monde, quel que soit son âge, son niveau de vie, ses convictions, ses croyances ? » L’idée de proposer les conseils d’Emmanuelle Leprince- Ringuet a donc germé. « On nous dit parfois que cela relève de l’intimité, qu’on n’a pas à immiscer là- dedans, poursuit Laure Cottin. Mais ce n’est pas le cas. On propose juste aux gens des outils pour avancer, sans jugement, dans la plus grande confidentialité. »
La mairie organise aussi conférences et ateliers avec des spécialistes. Tout cela coûte entre 4 000 et 8 000 € par an à la commune : « Rien, comparé à la construction de logements. » Difficile de mesurer sa réussite. « Oui, mais pas plus que de chiffrer le soutien à la parentalité », dit- elle.