Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

En Martinique, le cognac inspire le rhum

Savoureux mélange entre modernité et tradition, la plus petite distilleri­e de Martinique, A1710, produit des rhums haut de gamme. Visite guidée avec le maître de chai, venu de Charente.

- Texte : Jacques GUYADER et Valentin PINEAU. Photos : David ADEMAS.

C’est un drôle de nom pour une rhumerie, A1710. « A » comme la Belle Aline et comme la Douce Alice, les petits noms donnés aux deux alambics en cuivre installés dans le chai, appelés ainsi en hommage aux grands-mères du fondateur de la distilleri­e. « A » aussi comme Assier de Pompignan, Yves de son prénom, homme d’affaires béké martiniqua­is, petit-fils de planteur, propriétai­re désormais de nombreux grands magasins aux Antilles. 1710, comme l’année d’arrivée de ses ancêtres sur l’île aux fleurs.

A1710 est l’une des dix distilleri­es de la Martinique. La plus petite par la taille de ses plantation­s de cannes et sa capacité de production (500 litres de rhum/jour) mais aussi la plus récente par sa date de création, 2016 (et une autorisati­on d’ouverture obtenue après dix ans de démarches administra­tives). Une première depuis près de quatre-vingts ans.

« Un rhum unique »

Installée au sein de l’Habitation du Simon, dans la commune du François, la rhumerie surplombe l’Atlantique dans son est et se trouve sous l’influence de la montagne du Vauclin (504 m), point culminant du sud de l’île. L’environnem­ent y est soigné, la maison, une ancienne purgerie à sucre du XVIIIe siècle, est décorée avec goût. Ouverte aux visiteurs, elle donne d’entrée le ton. Ici, on joue la carte du très haut de gamme et des petites production­s maison de niche, loin des gros mastodonte­s de la filière AOC martiniqua­ise que sont les rhums Clément, Saint- James, La Mauny…

« A1710 se veut unique, c’est un rhum premium, haut de gamme, expli

que Cédric Paviot, le maître de chai. On veut redonner des lettres de noblesse au rhum blanc. Ici, on le considère comme un spiritueux à déguster, et on s’est fait connaître grâce à ça. L’artisanat était inexistant dans le rhum, presque utopique. Chez A1710, les process sont très élaborés : on allie la modernité et la tradition. »

Arrivé en Martinique depuis sa Charente natale en 2019, ce petit-fils de vigneron avait fait, jusqu’ici, toute sa carrière dans les maisons de Cognac. Il s’est installé au François en famille, emportant dans ses valises toute sa culture d’un des spiritueux français les plus appréciés dans le monde. « Cela me permettait de sortir de ma zone de confort. Je me suis dit : on tente l’exploit. J’ai choisi de travailler sur un process qui se rapproche du cognac, mais il a fallu d’abord que je recalibre mon palais sur le rhum blanc. »

Délicat en effet de percevoir les nuances entre le jus de la dizaine de variétés

de cannes broyées, et distillé lentement, lorsque le rhum blanc encore chaud s’écoule de l’alambic en titrant près de 70 degrés d’alcool, avant d’être coupé à l’eau douce.

Bête à feu et Perle rare

Surveiller les jus en fermentati­on, vérifier la qualité des distillats, savoir séparer les têtes de distillati­on du coeur de chauffe, ce sont les tâches quotidienn­es de Joël et Arsène, les deux technicien­s distillate­urs gardiens des deux alambics importés de Charente. « Tout est fait au nez, et à l’expérience », souligne le maître de chai.

La cuvée qui identifie le style de la maison se dénomme Bête à feu, l’autre nom de la luciole aux Antilles, vendue une trentaine d’euros en bouteille. Elle titre 50,9° et offre un parfum de canne fraîche et d’humus très présent. La Perle est un rhum dit gastronomi­que, vendu une cinquantai­ne d’euros, qui reste doux malgré ses 54°. On y retrouve le jasmin, la mandarine et même un peu de truffe blanche. La Perle rare, à une soixantain­e d’euros, est un rhum bio aux notes de framboise, groseille, kiwi..

Si la saison de la canne à sucre s’étale normalemen­t de février à juillet, chez A1710, on travaille toute l’année. « C’est le climat exceptionn­el de l’île qui le permet. Chaque type de canne a un arôme assez riche et unique. » Celles qui poussent sur les parcelles de la plantation, entièremen­t bio, portent les noms de roseau, cristallin­e, paille, fer, pin- épilette, zikat, et bien sûr bleue, variété désormais dominante en Martinique en raison de sa bonne résistance aux nuisibles.

Distillée par parcelle et par variété, la production de tous ces jus, fermentés grâce à des levures oenologiqu­es confidenti­elles, donne chez A1710 une gamme de rhums blancs aux arômes végétaux étonnants, et inédits en Martinique.

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| PHOTO : DAVID ADEMAS, OUEST-FRANCE Cédric Paviot, maître de chai, à la distilleri­e A1710. Il élabore plusieurs variétés de rhums blancs et bruns.
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| PHOTO : D. ADEMAS, O.-F. La production donne une gamme de rhums blancs étonnants.
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| PHOTO : D. ADEMAS, OUEST-FRANCE. Récoltée sur place, la canne à sucre est broyée.

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