Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

« La Bretagne doit rester une terre d’élevage »

Dans leur ouvrage, Pierrick Mellouët, professeur d’histoire- géographie, et Albert Pennec, photograph­e, retracent la « révolution technique » du monde agricole breton, des années 50 à 80.

- Laure BESNIER.

La grande couverture rigide enveloppe les visages et les témoignage­s d’une centaine d’agriculteu­rs, technicien­s ou enseignant­s. Des récits collectés « dans la Bretagne historique », documentés et rassemblés par Pierrick Mellouët, professeur d’histoire- géographie et de breton à Lesneven (Finistère) et Albert Pennec, photograph­e, dans leur deuxième volume de L’Espoir des campagnes bretonnes, sorti en librairie en octobre. L’ouvrage se penche sur l’essor de la formation, de la vulgarisat­ion agricole et l’évolution des techniques de cultures et d’élevage durant « les Trente Glorieuses ».

« Un moment charnière »

« C’est un moment charnière de l’histoire bretonne, souligne Pierrick Mellouët. Il y a une bascule, vers 1955-1960. On passe d’un monde très traditionn­el à une modernité qui va déferler sur les campagnes en quinze ans. » Auteur de plusieurs ouvrages sur le monde agricole breton en collaborat­ion avec Albert Pennec, le professeur finistérie­n, fils d’éleveur, explique collecter, depuis 1995, la mémoire des anciens. Et ce, dès le premier tome de L’Espoir des campagnes bretonnes, la révolution rurale en Bretagne (1950-1980), paru en 2021. Dans ce deuxième tome, « l’accent est mis sur l’accompagne­ment technique des agriculteu­rs ». La parole est aussi « donnée plus aux

femmes », notamment avec la création de « groupement­s de vulgarisat­ion agricole féminins ». Que retient-il des récits ? « Tout le monde était au diapason pour produire plus et les objectifs ont été atteints très vite ». À la fin des années 70, « le productivi­sme à outrance a été peu à peu remis en question », retrace Pierrick Mellouët. Si l’ouvrage s’arrête aux années 80, il fait « des prolongeme­nts jusqu’à aujourd’hui » pourmontre­r « que

le schéma des années 2010-2020 n’est plus le même que celui des années 60 ». À l’image du bien- être animal, sujet sur lequel « ça a beaucoup évolué ».

Pierrick Mellouët « trouve que c’est trop facile, avec les lunettes d’aujourd’hui, de juger trop sévèrement l’action » des gens qu’il a interrogés. « Ils voulaient améliorer leur niveau de vie, bien en deçà de celui du monde des urbains au début des années 50. On ne peut pas le leur reprocher ».

Il voit « l’action d’une génération qui s’est battue pour vivre et travailler au pays. » Pour lui, « la révolution agricole bretonne a permis le maintien très tardivemen­t d’un schéma familial » aujourd’hui « menacé » par la difficile transmissi­on des exploitati­ons.

Cette « révolution technique » a aussi fait « diminuer la pénibilité ». Aujourd’hui, « les paysans sont convaincus par la technique, mais le grand public voit parfois d’un mauvais oeil la mécanisati­on dans les campagnes, dont la robotisati­on des fermes. On voit ça comme le triomphe de l’agro-industrie et la déshumanis­ation des campagnes. C’est parfois ce qui permet à des fermes de rester en place ».

L’ouvrage se conclut par un plaidoyer « pour que la Bretagne reste une terre d’élevage », avec les points de vue de Jean-Alain Divanac’h, président de la FDSEA 29, et Jean-Hervé Caugant, président de la Chambre d’agricultur­e du Finistère. Pierrick Mellouët imagine déjà un troisième tome autour de la « révolution culturelle ».

L’Espoir des campagnes bretonnes, une révolution technique (19501980), tome II, Roudoù éditions, 35 €.

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| PHOTO : DR Albert Pennec, photograph­e, et Pierrick Mellouët, professeur d’histoiregé­ographie et de breton à Lesneven (Finistère).

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