Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Ils créent des décors d’expositions en seconde main
L’initiative. C’est le pari d’Alexandra Le Gros et Kévin Lemétayer, deux jeunes associés à la Volumerie de Broons : faire des décors d’expositions avec des matériaux jetés par les musées eux-mêmes.
La scène les a choqués. Une grande benne avec les restes d’une exposition temporaire au musée de Bretagne. « On a demandé si on pouvait se servir et on l’a fait », lance Alexandra, à la tête de l’atelier de scénographie la Volumerie, à Broons. Elle était venue installer un de ses premiers décors d’expositions avec son associé Kévin Lemétayer. Ils sont repartis avec des matériaux et une idée.
Depuis ce jour de 2017, ils ne conceptualisent et réalisent que des créations, des décors d’expositions aux mobiliers, en passant par l’aménagement de lieux originaux, avec les modules habituellement jetés par les musées. Une première dans le monde dans lequel ils évoluent.
« Des Robins des bois »
Cette décision ne rend pas leur travail plus facile. « Les matériaux neufs sont calibrés, donc les logiciels font quasiment tous les calculs. Nous, on doit constamment s’adapter car on fait avec ce que l’on a. » Mais ça stimule le binôme de créateurs. « On apprend tout le temps, il n’y a pas de quotidien, dit en souriant la scénographe. À chaque projet, on reprend
à zéro. »
Malgré les clichés, ce n’est pas non plus moins cher. Les associés doivent louer, en plus de leur hangar de 200 m² dédié à la création, « un espace tampon » de 500 m² dans la commune voisine. Ils y stockent les matériaux récupérés partout en France avant de les réutiliser dans une nouvelle création. « On est comme des Robins des bois, on redistribue les ressources allouées entre les musées », déclare Alexandra Le Gros, en faisant allusion aux subventions souvent supérieures pour la culture dans la capitale.
Le pari a fini par payer au moment de l’épidémie de Covid-19 en 2020. Le premier déconfinement a eu lieu en mai, quelques semaines avant les traditionnelles expositions temporaires d’été. « On avait signé des contrats avant les restrictions et on a pu les honorer parce que nous avions
les matériaux alors que les autres subissaient les pénuries. »
Un nouveau métier
Depuis, la Volumerie est passée de deux à dix personnes. Certaines ont un métier totalement inédit. « On a deux valoristes : ils sont chargés de récupérer la matière, la stocker et avoir une vue d’ensemble sur l’inventaire pour dire ce que l’on peut faire ou non », détaille Alexandra Le Gros.
Malgré des fiches de postes définies, tout le monde touche à tout. « Les menuisiers font de la 3D, les scénographes ont des bases en menuiserie… », raconte-t- elle. Essentiel pour communiquer et comprendre les contraintes des uns et des autres pendant la réalisation d’un projet.
Très utile, aussi, en ce mois de janvier. Car la joyeuse bande s’attelle à
un projet totalement différent de celui de son quotidien. « Nous sommes en train de réaménager les espaces à côté du hangar pour y amener nos bureaux auparavant installés à Rennes. » Ce lieu va permettre de réunir toutes les équipes, mais aussi être un showroom pour leurs futurs clients : « On va créer, avec nos matériaux, des meubles qui représenteront notre style. »
Pour ce chantier où règne seconde main et entraide, la Volumerie avait fait appel à un financement participatif et a collecté 5 600 €. « On a aussi obtenu des soutiens moraux », raconte Alexandra Le Gros.
L’atelier, qui ouvre déjà tous les vendredis soir ses portes pour prêter ses outils, va organiser un chantier participatif pendant l’été, afin de finir les travaux.