Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
David Foenkinos organise vos propres funérailles
Dans La vie heureuse, David Foenkinos s’inspire d’une étrange mode coréenne pour offrir une nouvelle vie à son personnage. Un livre délicat sur la capacité à se réinventer.
Eric Kherson, l’antihéros de La vie heureuse, s’est hissé quasiment au sommet de Decathlon, mais il pédale dans le vide depuis un moment. Il regarde passer sa vie, se néglige un peu. Sa femme est partie pour un autre plus sexy, emmenant leur fils sans qu’il s’y oppose vraiment. Surtout, il traîne comme un boulet une culpabilité héritée de sa jeunesse.
Justement, son salut va venir de cette lointaine époque. Une de ses anciennes camarades du lycée Chateaubriand, à Rennes, le recontacte par la magie d’un groupe Facebook. Elle lui propose d’entrer dans le cabinet ministériel qu’elle dirige au sein du gouvernement Macron (l’occasion de quelques pages bien senties sur les moeurs cruelles ayant cours dans le milieu politique).
Eric relève le défi. L’une de ses premières missions est de s’envoler pour la Corée du Sud afin d’obtenir l’implantation d’une usine Samsung à Mulhouse, en Alsace.
Simuler ses funérailles
À Séoul, il se laisse tenter par une étrange expérience : simuler ses propres funérailles (avec passage obligatoire dans un cercueil) afin de repartir du bon pied dans la vie.
L’histoire paraît farfelue et, pourtant, cette étrange initiative ne doit rien à l’imagination débordante de David Foenkinos, l’auteur de La délicatesse et de Charlotte. Le romancier s’est inspiré d’une mode ayant cours en Corée. Être acteur de son enterrement permettrait de retrouver le goût de vivre. Ceux qui
ont frôlé la mort témoignent souvent de ce genre de sentiments. L’intérêt de cette pratique est donc palpable dans un pays au vertigineux taux de suicides.
David Foenkinos sait de quoi il parle. Lui-même, adolescent, a fait une expé
rience de mort imminente à cause d’une maladie. Sur ce thème délicat, il a imaginé un roman plein d’humour, saisissant parfaitement l’air du temps à une époque où beaucoup cherchent à changer de vie, à se réinventer. Il est aussi beaucoup question de seconde chance et de pardon, en amour comme dans les relations filiales, dans ce récit subtil.
La vie heureuse, Gallimard, 205 pages, 19 €.