Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Tom Laperche, né pour la cour des grands

Départ de Brest ce dimanche à 13 h 30. À 26 ans, le Trinitain, successeur de François Gabart, est le plus jeune skipper de ce premier tour du monde sur des bateaux volants.

- Valentin PINEAU.

« Tom est exceptionn­el. » Cette phrase de Thierry Chabagny, à l’arrivée de la dernière Transat Jacques Vabre, résume le sentiment général de la course au large autour du cas Tom Laperche.

Le Morbihanna­is de 26 ans est le benjamin de l’Arkéa Ultim Challenge, qui s’élance ce midi de Brest. Avec la lourde tâche de succéder à François Gabart sur son SVR-Lazartigue, il fera face à des légendes de la course au large : Armel Le Cléac’h, Thomas Coville, Charles Caudrelier… « Parfois, je me dis que si ça ne se passe pas bien, ça fera un contraste assez énorme », confie-t-il.

Mais pour l’instant, l’histoire de Tom Laperche est celle d’un jeune prodige à qui tout réussit, qui s’assoit à la table des plus grands.

Il l’a d’ailleurs toujours fait. Fils de Philippe Laperche, quatre Solitaire du Figaro et une Route du Rhum au compteur, petit-fils de Loïc Sparfel, deux participat­ions à la Course de l’Aurore, Tom Laperche a grandi le long du chenal de La Trinité-sur-Mer, a passé des journées les yeux grands ouverts devant les grands trimarans Orma qui défilaient devant sa fenêtre.

« Laurent Bourgnon, Stève Ravussin, Thomas Coville… C’était l’entourage de ma famille, raconte ce fils d’un dentiste et d’une pharmacien­ne. Ils ne pouvaient que me donner de belles images, me faire rêver. En même temps, comme je les côtoyais, c’était presque la norme pour moi d’aller faire une Route du Rhum ou un tour du monde. »

Monocoques, catamarans, planche à voile, kitesurf, moth à foil… Très vite, Tom Laperche a touché à tout et brillé. Dès 2010, il a traversé l’Atlantique, après La Route du Rhum de son père. « On avait loupé 15 jours d’école, sourit-il. Quand j’avais 17 ans, mon père a aussi participé à la Transquadr­a. Je lui avais demandé si je pouvais prendre notre petit trimaran en bois de 40 pieds pour le suivre jusqu’à Madère. Avec mon petit frère, on l’avait finalement mené tranquille­ment. On a grandi dans un climat de confiance assez chouette : nos parents nous laissaient aller à l’école primaire à vélo, les autres trouvaient ça complèteme­nt barjot. »

Dans la tête du Tom encore adolescent, la Solitaire du Figaro fait figure de Graal. « C’est ce que j’ai eu envie de faire pour commencer la course au large. » Bac scientifiq­ue mention bien en poche, il a donc tenté la sélection Bretagne - CMB, sorte de voie royale pour entrer sur le circuit.

« J’en étais à ma deuxième année

à l’université de Compiègne. Très vite, on m’a convoqué pour me dire qu’on voulait me prendre en finale. Ils m’ont dit que je devais arrêter mes études et me consacrer à 100 % à la compétitio­n si je remportais la sélection. Au final, j’ai dit que je reviendrai tenter ma chance. »

Tom Laperche a finalement vécu sa première grande course en 2017, sur la Transat Jacques Vabre. À bord d’un Class40 dont il avait assuré le suivi de constructi­on, il a terminé septième, avec Christophe Bachmann. Sacrée première !

L’année suivante, le diplôme d’ingénieur en génie mécanique en poche, Tom Laperche a tenu sa promesse, et remporté la sélection Bretagne - CMB haut la main. « Le timing était parfait, les Figaro 3 venaient d’arriver. À Port-la-Forêt, j’étais ce petit espoir avec un statut assez privilégié. Tout le monde était bienveilla­nt », se remémore-t-il.

Entre les deux sélections, Tom Laperche a également fait une rencontre : « Je naviguais alors en Flying Phantom avec Tim Mourniac. Un weekend, François Gabart l’a remplacé, rembobine-t-il. Il m’a dit que si j’avais besoin d’un stage de fin d’études, il ne fallait pas que j’hésite à le rappeler. Deux ans après, je l’ai fait, et j’ai finalement effectué mon stage au sein de Mer Concept. Le trimaran SVR- Lazartigue était en phase de conception. »

Sur le circuit Figaro, Tom Laperche n’a pas mis longtemps à se démarquer. Deuxième bizuth de la Solitaire 2019, il a remporté, la saison suivante, la Solo Maître Coq et est monté sur le podium de « la course la plus dure du monde ». Les éloges ont plu. Tom

Laperche ne s’est pas laissé griser. Il est remonté sur la troisième marche du podium de la Solitaire du Figaro en 2021, avant de réaliser le doublé championna­t de France Élite de course au large - Solitaire du Figaro l’année suivante. À 25 ans, il était déjà couronné ! « C’est une belle fierté, sourit-il. Gagner la Solitaire en si peu de temps, en faisant autant de podiums, il n’y a pas grand monde qui l’a fait. »

L’exploit renvoie aux plus grands noms de la voile, Le Cléac’h et Gabart notamment. Ce dernier, d’ailleurs, n’a jamais été loin de Tom Laperche durant sa période Figaro. « Je passais régulièrem­ent le voir, je pense qu’il a un peu jaugé ce dont j’avais envie. Mais ce qu’il m’a proposé, c’était plus grand que le rêve. »

Au printemps 2021, le vainqueur du Vendée Globe 2012-2013 lui a tout déballé : il veut prendre du recul, et lui propose de l’accompagne­r pour la Transat Jacques Vabre 2021 et de le remplacer à la barre de SVR - Lazartigue sur le tour du monde. « Un grand sourire s’est installé sur son visage, se souvient Gabart. Il fait toujours comme ça. Ça lui laisse le temps de turbiner avant de répondre ! »

« Je suis quelqu’un d’assez observateu­r, je prends du temps pour réfléchir, explique Tom Laperche. Là, c’était un peu le choc. La Jacques

Vabre, j’ai tout de suite eu envie d’y aller. Mais pour le tour du monde, je n’étais pas capable de répondre directemen­t. Je lui ai posé une question : tu me proposes ça, as-tu bien réfléchi ? Il y a plein d’autres skippers… » À l’arrivée de la Route du Café 2021 (2e), sa décision est prise. « Tu ne peux qu’hésiter puis dire oui. Maintenant, qu’est- ce qu’il faut faire pour optimiser la machine, minimiser le risque et être le plus prêt possible ? »

Ces deux dernières années, Tom Laperche a cherché des réponses à ces questions, aux côtés de François Gabart et de son équipe. Il a engrangé de l’expérience dans les mers du Sud sur la Volvo Ocean Race (une étape avec Holcim - PRB), terminé notamment deuxième de la dernière Jacques Vabre. « Je n’aurais jamais imaginé que ça aille aussi vite. Mais j’en rêve et les portes sont ouvertes. »

Au moment de partir, après un contre-la-montre pour panser les plaies d’un SVR-Lazartigue endommagé lors de la dernière Transat Jacques Vabre, il n’y a qu’une seule question à laquelle il n’a pas réussi à répondre : pourquoi lui ? « Je ne me sens pas comme un mec hyper confiant. Il y a plein de moments où je doute, je suis incapable de dire ce que j’ai de plus que les autres. »

« Bourgnon, Ravussin, Coville… C’était l’entourage de ma famille »

« Ce que François Gabart m’a proposé, c’était plus grand que le rêve »

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| PHOTO : DAVID ADÉMAS / OUEST-FRANCE Tom Laperche (SVR-Lazartigue) sera au départ de l’Arkéa Ultim Challenge, ce dimanche à Brest.

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