Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Mourir de froid en France, un scandale !
Cet hiver, au moins trois personnes sont mortes de froid en France. Comment est-ce possible au XXIe siècle ? En 2017, le président de la République, Emmanuel Macron, avait déclaré : « La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, voir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. C’est une question de dignité. » (1)
Depuis, des efforts ont été faits. Certes, le plan « Logement d’abord » a permis à 440 000 personnes de retrouver un logement (2) et de les accompagner vers la réinsertion sociale. En quelques années, le nombre de places en hébergement d’urgence a aussi augmenté.
Mais hélas, le drame est toujours là. Il se reproduit à chaque hiver rigoureux. Il touche « les plus pauvres des plus pauvres » car ce sont eux qui se retrouvent à la rue, expliquait Julien Damon, professeur en sciences politiques à Ouest-France (3). Et leur nombre augmente.
Parmi eux, des personnes ayant vécu une série de ruptures, des travailleurs pauvres, des étrangers… Mais aussi des jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance et ne sachant pas où aller, des familles, beaucoup de mères seules avec leurs enfants. Il est inacceptable que 3 000 enfants dorment dans la rue, d’après l’Unicef, dont 700 enfants de moins de 3 ans, ont dénombré des associations. « Il est temps de faire de chaque enfant sans abri une priorité nationale », écrivait dans Le Monde, un collectif d’environ 200 élus (1).
Chaque année, on se laisse surprendre par le froid de l’hiver ! On déclenche le plan grand froid et on ouvre des places d’hébergement dans l’urgence. Mais pourquoi attendre l’arrivée des nuits glaciales et risquer d’exposer la vie des personnes à la mort ? Nous devons lutter plus en amont et plus efficacement.
D’autre part, « les places d’hébergement d’urgence, précaires et très coûteuses, ne permettent pas de se réinsérer », déplorait Manuel Domergue, de la Fondation Abbé Pierre (3). Les personnes abritées se retrouvent le lendemain sans perspectives, à la merci de la violence des éléments et de la rue.
Bien des drames pourraient être évités si l’on déployait énergiquement les politiques pour accompagner les personnes vulnérables : réinsertion des prisonniers, accompagnement de tous ceux qui sortent de l’aide sociale à l’enfance au- delà de leurs 21 ans si nécessaire… Il n’est pas normal qu’au XXIe siècle, tant de personnes en France, 330 000, soient sans domicile fixe.
On ne peut s’habituer à ce que, chaque hiver, des personnes meurent de froid dans notre pays, ni accepter que l’appel de l’abbé Pierre lancé voici bientôt soixante- dix ans soit toujours d’actualité : « Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir… »
Un nouveau gouvernement se met au travail. Espérons qu’il s’attellera d’abord à agir auprès des plus vulnérables pour que plus jamais ne se reproduisent ces drames et pour en finir avec ce scandale et cette honte.
(1) Le Monde 14-12-2023 (2) La Tribune 10- 01-2024 (3) Ouest-France 23-10-2023
(*) Directrice de la recherche éditoriale à Ouest-France