Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Profs non-remplacés : ce que disent les chiffres

La nouvelle ministre de l’Éducation Amélie Oudéa- Castéra a regretté, hier, ses propos sur « les paquets d’heures » non remplacées des enseignant­s. Le phénomène est bien réel, mais à qui la faute ?

- Arnaud BÉLIER.

Qu’a dit la ministre ?

Lors de son premier déplacemen­t, vendredi, la nouvelle ministre de l’Éducation nationale Amélie OudéaCasté­ra a justifié son choix d’avoir scolarisé ses enfants dans le privé – le catholique et très conservate­ur collège parisien Stanislas – par la « frustratio­n » qu’elle et son mari ont eu face aux « paquets d’heures pas sérieuseme­nt remplacées » dans l’enseigneme­nt public. Hier, la ministre a dit « regretter » ses propos qui « ont pu blesser » les enseignant­s. Le Premier ministre Gabriel Attal la soutient, dénonçant « beaucoup d’hypocrisie » sur le sujet.

Que disent les chiffres ?

« L’organisati­on du système scolaire amène aujourd’hui à la perte d’environ quinze millions d’heures d’enseigneme­nt par l’incapacité du système à remplacer les professeur­s absents », déclarait, en décembre 2022 dans Le Monde, l’ancien ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye. Selon les dernières données officielle­s disponible­s, 8,8 % des heures de cours n’ont pas été assurées en moyenne en 2022 dans le second degré (collège et lycée).

D’où vient le problème ?

Trois raisons principale­s sont avancées : des postes non pourvus (trois à quatre jours après la rentrée de septembre, il manquait au moins un professeur dans la moitié des classes dans le secondaire) ; des remplaceme­nts de longue durée (pour maladie ou maternité…) ; et des « suppléance­s » de courte durée (pour formation, par exemple).

Comment les profs sont-ils normalemen­t remplacés ?

En primaire, des personnels titulaires remplaçant­s peuvent être mobilisés dès la première demi- journée d’absence. Ils sont affectés soit à une brigade départemen­tale de remplaceme­nt, soit à une « zone d’interventi­on localisée » de 20 km autour de leur école de rattacheme­nt. En collège et lycée, l’Éducation nationale fait appel à des « titulaires sur zone de remplaceme­nt », mais aussi à des contractue­ls.

Qu’est-ce qui coince ?

En premier lieu, le manque de professeur­s. « Près de 8 000 postes d’enseignant­s ont été supprimés dans le secondaire depuis 2017 », dénonce Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat des personnels de l’Éducation nationale dans les collèges et lycées généraux et technologi­ques. On se souvient aussi que des académies ont eu du mal à recruter. Les crédits affectés au remplaceme­nt ont également trinqué : – 32 % par exemple dans l’académie de Dijon en 20212022. Dans le second degré, la pratique, à défaut d’être une règle, est de ne plus vraiment remplacer les absences de moins de quinze jours.

Le « pacte » enseignant a-t-il produit ses effets ?

Selon Gabriel Attal, « un enseignant sur quatre » a adhéré au « pacte » qui permet d’effectuer jusqu’à dixhuit heures de remplaceme­nt de courte durée, rémunérées 69 € brut chacune. Problème : un enseignant d’une matière donnée peut tout à fait effectuer des heures en remplaceme­nt d’un professeur d’une autre matière. À Rouen (Seine-Maritime), on a ainsi vu une professeur­e d’histoire- géographie remplacée par une professeur­e de chinois.

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| PHOTO : ARCHIVES DAVID ADEMAS, O.-F. Au collège, les absences ne sont pas systématiq­uement remplacées. Photo d’illustrati­on.

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