Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Thibaut Guilluy : « L’objectif du plein-
Il est le tout premier directeur général de France Travail. Thibaut Guilluy, ex- entrepreneur social, va devoir mener les transformations de l’opérateur qui a succédé à Pôle emploi. Avec en ligne de mire, le défi du plein- emploi.
Catherine Vautrin est la nouvelle ministre du Travail. Quel regard portez-vous sur cette nomination ?
Ce n’est pas mon rôle de commenter le choix du président de la République et du Premier ministre. Maintenant, pour pouvoir faire avancer des projets comme celui de France Travail, il faut évidemment pouvoir s’appuyer sur des ministres qui ont une vision et un engagement fort. Et j’ai eu la chance de pouvoir le faire avec Muriel Pénicaud sur l’inclusion, avec Élisabeth Borne sur le plan « Un jeune, une solution », et avec Olivier Dussopt, avec qui nous avons préparé France Travail.
La première chose qui me réjouit dans l’arrivée de Catherine Vautrin, c’est que c’est une élue locale. Et la bataille du plein- emploi, elle se joue d’abord au plus près des usagers et donc, avec les élus des territoires.
Elle prend la tête d’un grand ministère qui, outre le Travail, intègre les Solidarités et la Santé… C’est la deuxième chose dont je me réjouis : cette vision d’un ministère plus ample, où, au côté du travail, il y a aussi les questions de santé et de social. L’idée de France Travail, c’est bien de dire que, quand on accompagne quelqu’un vers l’emploi, notamment ceux qui en sont les plus éloignés, il faut aussi pouvoir lever les freins sociaux et les freins de santé.
L’objectif du plein-emploi est-il atteignable, compte tenu des signaux d’inversion de la courbe du chômage ?
Sur les six dernières années, le chômage, qui avait atteint un pic à 10,5 %, est passé aujourd’hui à 7,4 %. Malgré le contexte, notre économie continue de créer des emplois. Deux millions ont pu être créés depuis 2017 et plus de 200 000 ces douze derniers mois. Notre mobilisation reste totale pour atteindre cet objectif. C’est quelque chose d’atteignable.
« Avant de parler d’effectifs, il faut surtout une meilleure organisation »
En quoi la nouvelle organisation avec France Travail peut-elle y contribuer ?
Lorsqu’on se rapproche de plus en plus du plein- emploi, accompagner une personne dans son retour à l’emploi, c’est ce que j’appelle du « sur-mesure de masse ». Il faut bien comprendre que chaque personne est différente. Agir sur l’emploi, ce n’est pas juste connecter des offres avec des demandeurs. Parfois, il faut de la formation, d’autres fois une solution de mobilité ou de logement. Et parfois, c’est un petit peu de tout ça.
C’est un travail collectif qui ne peut se faire qu’avec des spécialistes de l’emploi – comme France Travail, mais aussi les missions locales ou Cap emploi – et les acteurs du social.
Est-ce qu’un renforcement des effectifs est prévu ?
Avant de parler de plus d’effectifs, il faut surtout une meilleure organisation et que les systèmes informatiques se parlent. Un président de département m’a dit lors des concertations : « Je suis l’homme des demisolutions. »
Si vous êtes le président du département, vous avez effectivement en charge l’insertion du RSA. Mais comment voulez-vous réinsérer et accompagner une personne qui est au RSA si vous n’avez pas la possibilité d’activer des solutions de garde d’enfants, qui relèvent des maires ? Ou bien de la formation, qui relève de la Région ?
Oui, mais les moyens…
Bien sûr il faut des moyens supplémentaires là où ils manquent. On a quand même un budget qui va monter en puissance pour France Travail : 300 millions en 2024, 500 millions en 2025, 750 millions en 2026 et un milliard d’euros en 2027.
En plus de cela, 3,9 milliards d’euros, sur quatre ans, ont été décidés dans le cadre du plan d’investissement pour les compétences 2.0, au côté des Régions. Le 3e volet de ces moyens, c’est 170 millions d’euros pour soutenir les départements.
C’est un investissement qui permettra au service public d’être plus efficace, de créer des emplois et in fine de baisser la dépense publique.
Comment s’organisera l’accompagnement des bénéficiaires du RSA ?
La première des choses, c’est l’inscription de tous à France Travail. Avant, il n’y avait que 40 % des bénéficiaires du RSA qui étaient inscrits à Pôle emploi.
Il faut ensuite accélérer la prise en charge. Avant, il se passait en moyenne 150 jours entre le moment où une personne s’inscrivait au RSA et le moment où elle avait son premier entretien avec un conseiller. Sur les départements pilotes, on est passé à une moyenne de quinze à vingt jours, ça change tout.
Ils ne sont pas accueillis par un travailleur social, tout seul, qui ne les regarderait que par le prisme de leurs difficultés. Ni par un conseiller d’emploi tout seul, qui les regarderait en se disant qu’il ne sait pas quoi faire avec des difficultés qui sont un obstacle à l’emploi. Mais par les deux. On va donc mieux accompagner. En contrepartie on va aussi plus contrôler.
« France Travail doit devenir le meilleur ami RH des entreprises »
Quelles sont les échéances ? Nous sommes en train d’expérimenter. Le travail qu’on fait, c’est d’identifier et d’accompagner 100 % des bénéficiaires du RSA, y compris ceux qui y sont depuis parfois dix, quinze ans.
Nous allons à leur rencontre. Ce n’est pas forcément simple. On apprend dans les territoires pour être prêts au 1er janvier 2025.