Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Calais-Douvres, la périlleuse traversée desmigrant­s

Documentai­re. Pendant plus d’un an, des journalist­es ont enquêté sur ces femmes et ces hommes qui tentent la traversée de la Manche depuis Calais, déterminés à rejoindre la Grande-Bretagne.

- Propos recueillis par Sonia LABESSE.

Ali Watani, coréalisat­eur, avec Paul Comiti, de Calais-Angleterre : ils traversent au péril de leur vie.

Pourquoi les migrants veulent-ils atteindre à tout prix l’Angleterre ? Le statut de réfugié est défini par le droit internatio­nal. Mais son applicatio­n varie. Dans les années 1990, il était plus facile d’obtenir le statut de réfugié et d’être régularisé dans une Angleterre en manque de maind’oeuvre et où le rapport à la religion est très différent de la France. À Londres, on peut croiser des agents de police avec un voile ! Inimaginab­le ici. Les migrants pensent pouvoir vivre leur religion plus librement outre- Manche. Ils tentent ainsi de rejoindre leur communauté avec l’espoir de vite monter une échoppe. Ils ont plus d’exemples de réussites en Angleterre qu’ailleurs.

Qui sont les migrants ?

Ils arrivent surtout de pays en guerre et sont souvent anglophone­s. À Calais, on les surnomme les « Kosovars » car, dans les années 1990, les réfugiés fuyaient le Kosovo, durant la guerre des Balkans. Depuis, ils sont afghans, syriens, kurdes d’Irak, érythréens, soudanais. 90 % sont des hommes seuls. Maintenant, des

Marocains et des Sénégalais rêvent aussi de Grande- Bretagne.

Pourquoi la traversée en mer a-t-elle remplacé les passages en camions, trains, ferries ?

Des millions d’euros ont été investis pour empêcher les migrants d’accéder au port et au tunnel sous la Manche, avec une présence policière accrue. Ils tentent donc de traverser en pneumatiqu­e à moteur, parfois à la rame, les trente kilomètres entre Calais et Douvres. Ils attendent près de la plage dans des conditions extrêmes. Toutes les quarantehu­it heures, ils sont délogés par une patrouille, et reviennent. Sur ces cinq dernières années, environ 45 000 migrants ont tenté la traversée chaque année. Leur nombre a baissé pour la première fois en 2023 (30 000).

Comment s’organisent les passeurs ?

Ce trafic est très lucratif. La traversée se paye 2 500 €. Même si la traque européenne s’amplifie, d’autres passeurs prennent le relais. Ils achètent des pneumatiqu­es sur des sites chinois, conçus pour une douzaine de personnes. Mais une quarantain­e de migrants embarquent, souvent de nuit, sans capitaine ni passeur, avec leurs téléphones pour toute lumière. Une quarantain­e de morts ont été recensés depuis quatre ans. Ce trafic occupe un tiers des audiences du tribunal de Boulogne- sur- Mer.

Qu’est-ce qui a provoqué le durcisseme­nt de l’accueil des réfugiés en Angleterre ?

Le débat se concentre sur le logement des demandeurs d’asile. L’étude de leur dossier prend au moins six mois. Ils ont interdicti­on de travailler et sont logés dans des centres de rétention ou des hôtels. La polémique s’est cristallis­ée autour de la nouvelle barge d’hébergemen­t, le Bibby Stockholm, fabriquée pour 220 ouvriers, mais finalement destinée à accueillir 500 demandeurs d’asile. C’est d’abord un enjeu médiatique. Car 175 000 demandeurs d’asile attendaien­t, en juin, une réponse.

M6, 23 h 15.

 ?? | PHOTO : BERNARD BARRON, AFP ?? Des migrants tentent la traversée vers l’Angleterre. Ici, près de Calais, en juillet 2023.
| PHOTO : BERNARD BARRON, AFP Des migrants tentent la traversée vers l’Angleterre. Ici, près de Calais, en juillet 2023.

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