Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
« Les petits gestes sont importants pour la planète »
Télévision. C’est une figure discrète mais un visage familier du petit écran. Plus de trente ans que Laurent Romejko jongle entre la météo et Des chiffres et des lettres.
Jeudi, en fin de matinée, Laurent Romejko est attendu à Malakoff, au sud de Paris, pour les répétitions de Météo à la carte dont le direct démarre, comme chaque jour, à 12 h 55. « Ça fait maintenant quelques années que je pratique la météo, un sujet hyperfédérateur, remarque celui qui a soufflé ses soixante bougies fin décembre. Agent d’entretien ou patron du CAC 40, tout le monde s’intéresse au temps qu’il fait pour organiser sa journée, ses loisirs, sa vie professionnelle. »
« La neige, plus rare »
Longtemps le bulletin météo a été perçu comme une respiration, un souffle de légèreté, avant et après les nouvelles peu réjouissantes du journal télévisé. « Quand j’ai commencé, il y a trente- quatre ans, on nous parlait souvent de « prédiction météo », avec un côté très horoscope et un peu aléatoire. Aujourd’hui, la prévision est beaucoup plus crédible. »
Et la perception de la pluie et du beau temps a changé. « Les gens voient bien que les aléas climatiques sont plus importants, plus exacerbés. Ils le constatent et le subissent, comme actuellement dans le Pas- de- Calais avec des inondations. Les dix, quinze dernières années ont été les plus chaudes depuis le début du XXe siècle. Les gens ne sont pas fous, ils se rendent bien compte qu’il fait plus chaud, plus sec. » Au point qu’ils se montrent même « surpris » par les températures hivernales de ces derniers jours, relève le journaliste météo. « Avant, ce type d’épisode, c’était la normale mais on n’y est plus habitué. La neige d’hiver se fait de plus en plus rare. »
Dans Météo à la carte, sur France 3, Laurent Romejko part, avec sa coprésentatrice Marine Vignes, à la rencontre de « ceux qui subissent le dérèglement climatique ». Agriculteurs, vétérinaires, artisans, comme ces restaurateurs de monuments anciens qui constatent que « les pierres calcaires sont attaquées par l’acidité des pluies. Des problèmes nouveaux se posent dans beaucoup de corps de métiers différents. »
Sensibiliser aux évolutions climatiques sans discours trop anxiogène. Un délicat jeu d’équilibriste. « On ne dit pas aux téléspectateurs : vous allez tous mourir. Mais on essaie de montrer que tout un chacun peut faire des efforts pour s’adapter. Par exemple, en mangeant des produits de saison et cultivés à proximité de chez soi pour limiter son empreinte carbone. » Lui assure « faire gaffe ». « Avec ma femme, on a complètement zappé les produits alimentaires industriels. Je n’ai pas acheté une soupe en boîte depuis des années. C’est un truc tellement facile à faire : trois carottes, deux patates, un poireau, une demi-heure de cuisson, un coup de mixeur. Et c’est tellement meilleur ! »
Son bureau de Malakoff, c’est à vélo qu’il le rejoint habituellement. « Je ne vais bosser en voiture que quand c’est nécessaire, comme aujourd’hui, parce qu’il fait un froid de canard, - 1 °C. Et je privilégie les déplacements en train. Je fais attention aussi de ne pas surchauffer chez moi. Ce sont de petits gestes mais si tout le monde les fait, ça a un impact favorable. » À ceux qui doutent de leur intérêt, il rétorque : « Si on ne fait rien, ce sera encore pire. On ira dans le mur, et en klaxonnant en plus ! »
Optimiste sur le civisme des Français. Inquiet sur les perspectives climatiques. « L’accord de Paris (adopté en 2015) visait à limiter, d’ici à la fin du siècle, l’augmentation de la température moyenne à 1,5 °C au- dessus des niveaux préindustriels. Mais voilà, on y est déjà. Les scientifiques disent que cet objectif est utopiste. On s’oriente plutôt vers + 3 à 4 ° C. C’est considérable. »
Il évoque les répercussions : tempêtes de type Ciaran, une moitié de la France « beaucoup plus arrosée », « des sécheresses à répétition », des océans plus chauds… « C’est un jeu de dominos, vous changez un petit paramètre, et les conséquences sont très importantes. Le climat, c’est une mécanique extrêmement complexe et passionnante même si les perspectives ne sont pas très encourageantes. »
« Un papa avionneur »
Moins de noeuds au cerveau du côté de son autre émission emblématique, Des chiffres et des lettres, le plus vieux jeu télévisé de France (le weekend, 17 h 10, sur France 3). « La plus vieille émission, rectifie l’intéressé, hormis Le jour du Seigneur. Composer des mots à partir de lettres et effectuer des comptes, c’est à la portée de tout le monde, quel que soit son niveau de culture générale », insiste- t- il.
Lui préfère jongler avec les chiffres qu’avec les lettres. « C’est peut- être lié à mon esprit plutôt scientifique. » Avec « une maman au foyer, un papa avionneur, qui fabriquait des avions », Laurent Romejko, enfant, avait le ciel pour horizon. Logique qu’il aime aujourd’hui nous emmener dans les nébuleuses des bulletins météo…