Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

« On n’en peut plus, on n’a plus rien ! »

- Clémence HOLLEVILLE.

« Certains ont peur d’être indécents. Mais où est la décence quand il n’y aura plus d’agriculteu­rs ? Quand certains vivent avec 300 € par mois ? Quand d’autres finissent par se suicider ? » À quelques minutes de se déshabille­r, Natacha Guillemet, éleveuse de vaches parthenais­es et membre de la Coordinati­on rurale en Vendée, justifie la démarche.

Un peu après midi, sur ce rond-point vendéen de La Roche-sur-Yon, hier, une dizaine d’agriculteu­rs vont prendre la pose en sous-vêtements, « à poil sur la paille ». Une image symbole pour une vraie détresse : « On n’en peut plus, on n’a plus rien ! » Et une action « bon enfant », parce que « ce serait triste qu’on soit rendu à des excès, comme dans certains départemen­ts. On ne veut pas en arriver là, alors prenez la mesure de cette image. »

Depuis 10 h du matin, ils étaient des dizaines d’agriculteu­rs à filtrer la circulatio­n, avec leurs tracteurs. Le rond-point des Flâneries, entre galerie commercial­e, grande surface et enseigne de harddiscou­nt, n’a pas été choisi au hasard : un lieu « stratégiqu­e » pour montrer

aux consommate­urs « que les agriculteu­rs sont là ».

« Des solutions de surface ! »

Le traité Mercosur (un projet de traité de libre-échange entre l’Union européenne et l’Amérique du Sud), les contrôles, les jachères, les normes, la « paperasse pour récolter trois francs six sous » quand on travaille « quatreving­ts heures par semaine »… Cette « accumulati­on » a accouché d’une colère profonde, pas apaisée par les annonces de Gabriel Attal, la veille.

« Des solutions de surface ! », tonne Patrice Betard, président de la Coordinati­on rurale en Vendée, qui réclame

« des annonces de fond, comme l’arrêt des accords de libre- échange ». Stéphane Charbonnea­u, éleveur à Beaurepair­e et représenta­nt national de la section viande à la Coordinati­on rurale, fustige lui aussi des « mesurettes, du foutage de gueule ».

Il évoque l’urgence de « soulager les trésorerie­s : quand vous voyez des agriculteu­rs asphyxiés, qui ont fait des emprunts pour faire tourner leurs exploitati­ons et en font d’autres pour les pallier, c’est du grand n’importe quoi. Il faudrait décaler les échéances, une année blanche à la MSA… Sinon, c’est la mort qui nous attend aujourd’hui. »

En Vendée, des agriculteu­rs avaient investi péages ou ronds-points depuis mardi, sous les drapeaux de la Fédération départemen­tale des syndicats d’exploitant­s agricoles (FDSEA) et des Jeunes agriculteu­rs (JA). La Coordinati­on rurale (450 adhérents en Vendée) n’y avait pas encore organisé de mobilisati­on, « parce qu’on manifestai­t à Bruxelles, il y a trois jours », explique Stéphane Charbonnea­u.

Et la défiance est forte face à la puissante FNSEA, dont la Coordinati­on rurale critique la « cogestion systématiq­ue » avec le gouverneme­nt. Mais en tout cas, « le mouvement va continuer », assure Natacha Guillemet. Au niveau national, la Coordinati­on rurale envisage le blocage du marché de Rungis, en début de semaine.

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PHOTO : O.-F. Des agriculteu­rs en sous-vêtements sur la paille, pour exprimer leur colère.|

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