Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Calme avant un blocage de Paris

Les agriculteu­rs dénoncent la course aux prix bas

- Delphine LANDAY, Audrey VAIRÉ et nos rédactions.

« Vous faites de la publicité à tout va, pour dire que vous êtes le moins cher. Indirectem­ent, vous nous tuez. » L’échange reste calme, hier, entre la direction du centre E. Leclerc d’Avranches (Manche) et Yannick Bodin, le porte- parole de la cinquantai­ne d’agriculteu­rs du Sud- Manche mobilisés. Ici, la colère s’exprime sans terre déversée ou produits jetés sur le sol des rayons. L’arrivée bruyante d’une douzaine de tracteurs à 11 h devant le magasin a suffi pour vider le parking des clients.

Une heure plus tard, ils ne sont plus qu’une dizaine à rentrer discrèteme­nt dans l’enseigne, après s’être garés loin. « Quelle idée de faire ça un samedi matin », fulmine une consommatr­ice, pendant qu’un autre client offre la tournée de café pour montrer son soutien aux manifestan­ts.

« Ça devient difficile de faire les courses »

« Beaucoup de gens comprennen­t notre situation », assure Yannick Bodin, de la Coordinati­on rurale. Un peu plus au sud du départemen­t, une délégation de Jeunes agriculteu­rs et membres de la FDSEA de la Manche investit un autre centre E. Leclerc, à Saint- Hilaire- duHarcouët. Dans la grande surface, ils procèdent au tri des produits, notamment laitiers, en écartant les produits hors Europe des chariots. Des vérificati­ons similaires sont faites dans une enseigne Carrefour.

Les mêmes scènes se répètent à Saint- Berthevin, près de Laval (Mayenne), ou en Ille- et-Vilaine à Pleumeleuc ou Vitré.

Les agriculteu­rs cherchent à sensibilis­er les consommate­urs. « Et vous Madame, comment vous choisissez votre beurre ? » interroge Hervé Radenac, éleveur laitier à Cléguer (Morbihan), dans les rayons du centre E. Leclerc d’Hennebont.

La cliente interpellé­e vise la plaquette de beurre qu’elle a l’habitude d’acheter. « C’est vrai, pour le beurre, je ne regarde pas forcément. Ça devient difficile de faire les courses. Je pense santé, prix et, en dernier, je regarde l’origine. Sauf pour les fruits et les légumes. Là, c’est origine France ! »

Le nerf de la guerre reste le portemonna­ie. « Je ne peux pas ne pas regarder le prix. Et je ne peux pas non plus passer une demi- heure devant chaque produit. »

Au milieu du rayon, Hervé Radenac s’empare d’un beurre marque Président. « Et voilà… un beurre fabriqué avec un lait origine Union européenne ! On casse l’agricultur­e en France ! » Durant près d’une heure, lui et plusieurs de ses collègues ferraillen­t avec le directeur du site, Philippe Nivinou, qui les reçoit. Éleveurs, légumier, producteur de volaille, la délégation défend toute la

filière. Avec des exemples à l’appui : « Cette conserve de haricots verts, vous savez d’où ça vient ? Du Kenya ! Vous croyez qu’ils ont les mêmes contrainte­s que nous au Kenya ? »

Dans le calme, et dans un magasin resté ouvert, ils déroulent les arguments devant le directeur du site, rompu à l’exercice, qui finit par conclure : « On va faire remonter à la centrale vos remarques. »

 ?? | PHOTO : THIERRY CREUX, OUEST-FRANCE ?? Dans les rayons du supermarch­é E. Leclerc d’Hennebont, plusieurs représenta­nts syndicaux du Morbihan ont discuté avec le directeur du magasin Philippe Nivinou (à gauche).
| PHOTO : THIERRY CREUX, OUEST-FRANCE Dans les rayons du supermarch­é E. Leclerc d’Hennebont, plusieurs représenta­nts syndicaux du Morbihan ont discuté avec le directeur du magasin Philippe Nivinou (à gauche).

Newspapers in French

Newspapers from France