Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
De l’Europe au monde, une année d’élections
C’est un record. Cette année, près de la moitié de la population mondiale, soit environ quatre milliards de personnes, est appelée à se rendre aux urnes dans plus de soixante-dix pays (1). Une trentaine d’élections concernent la désignation d’une cheffe ou d’un chef d’État. Mais des scrutins législatifs, régionaux ou municipaux vont également garnir de rendez-vous l’agenda mondial civique.
La plus commentée sera sans aucun doute la très scrutée élection américaine, qui semble pour le moment proposer le match retour de novembre 2020 entre Joe Biden et Donald Trump. Mais l’Inde, l’Iran, la Russie, le Sénégal, l’Indonésie, le Mexique ou encore le Royaume-Uni figurent également sur la liste.
On pourrait voir dans cette année record un signe de bonne santé de la démocratie dans le monde. Ce serait une vision pour le moins très optimiste. Tous ces scrutins ne se tiendront en effet pas dans les conditions connues par chaque électeur français.
Un privilège à saisir pour l’autre rendez-vous incontournable de l’année : les élections européennes, qui se tiennent du 6 au 9 juin dans les vingt-sept États membres. Elles concernent 450 millions d’habitants. 720 eurodéputés doivent être désignés pour un mandat de cinq ans.
Dans l’hémicycle du parlement européen notamment, la plupart des élus actuels et futurs candidats abordent l’échéance avec conviction et lucidité. D’abord, parce que le conflit entre la Russie et l’Ukraine depuis 2022 modifie profondément les perceptions. Le rôle que doit jouer le continent européen sur l’échiquier mondial devient une évidence. Notamment du fait de l’élection américaine, qui pourrait grandement changer la donne.
Ce n’est pas un hasard si le commissaire européen Thierry Breton rappelait, début janvier, les propos de Donald Trump à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, en 2020 : « Vous devez comprendre que si l’Europe est attaquée, nous ne viendrons jamais pour vous aider et vous soutenir », avait-il lancé (2). Et le commissaire européen de conclure : « Nous n’avons pas d’autre option que de renforcer le pilier européen. »
Un enjeu tel qu’il ne pourra pas supporter une campagne électorale européenne résumée aux querelles politiques nationales. Avec la tentation politique pour certains de jouer le couplet de la « faute à l’Europe ». Car l’Europe a bien un bilan : accès aux vaccins pendant la crise sanitaire, plan de relance, Pacte vert, accueil des réfugiés ukrainiens, régulation des plateformes numériques…
L’autre danger de taille dans cette élection reste la désinformation. « Nous vivons une période extrêmement dangereuse dans l’histoire du monde », indique le chercheur américain Darell West. Même si, rappelle Tristan Mendès France, de l’observatoire du conspirationnisme, « dans un écosystème démocratique sain, la vérité finit toujours par refaire surface ». (3)
Dans un monde de plus en plus complexe qui tangue, l’Europe a plus que jamais tout son sens. Des femmes et des hommes politiques vont donc devoir incarner l’idée européenne, avec ses forces et ses faiblesses, et porter des intentions claires au plan social, économique et diplomatique. Le scrutin européen le mérite.
(1) Les Échos, 5/6- 01-24. (2) Ouest-France, 10- 01-24. (3) La Croix, 11- 01-24.