Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
« Parents, n’utilisez pas de smartphone devant un enfant »
Quand on parle de l’exposition des plus jeunes aux écrans, tient-on suffisamment compte des risques, pour les enfants, de l’utilisation des smartphones par les parents ? Non. J’en parle aux pédiatres, aux obstétriciens et aux futurs parents mais, de façon générale, les personnes sont encore peu informées. Or, dans la relation entre parent et enfant, l’utilisation d’un smartphone par le parent change complètement la situation. Ce phénomène s’appelle la « technoférence », c’est-à- dire l’interférence d’une technologie dans une relation.
Comment cela se caractérise-t-il ? Un parent qui utilise son smartphone communique avec son enfant en faisant des phrases plus courtes – logique, puisqu’une partie de son attention est polarisée par ce qui se passe sur son écran – et en ayant des interactions mimo- gestuelles moins importantes. Or, lorsqu’on communique avec un jeune enfant, il faut justement accentuer les intonations et les mimiques. Avec des interactions moins riches, il va avoir de la difficulté à apprendre à identifier les émotions et il aura moins le sentiment de partager un état émotionnel avec le parent. Il peut en résulter un certain nombre de troubles : tristesse, dépression, voire troubles de la communication avec risque de retrait social…
Cette question va donc au-delà de la seule relation entre le parent et l’enfant ?
Oui, c’est de la construction sociale même de l’enfant dont il s’agit. L’enfant est privé d’un apprentissage essentiel.
Est-ce moins problématique quand l’enfant est déjà plus grand ?
C’est décisif entre 0 et 3- 4 ans, et plus largement jusqu’à l’âge de raison, à 6-7 ans. Plus l’enfant est petit, plus c’est important. Mais il n’y a pas non plus d’âge où l’on peut se dire : « C’est bon, je peux utiliser mon smartphone sans crainte quand je suis avec lui ». Si un parent se montre indisponible pour son enfant, celui- ci en déduira qu’il est indifférent à ce qui lui arrive. Il ne racontera plus rien à ses parents, même s’il est victime de harcèlement.
Il y a usage modéré et usage intensif. Quand est-ce qu’on entre dans une zone rouge ?
Un bébé a très peu de temps d’éveil par jour ; il est donc d’autant plus important d’être disponible sur ce peu de temps. Un bébé éveillé est un bébé en attente de communication. Cela n’aurait pas de sens de fractionner ce temps. Mais cela vaut aussi pour les autres âges : les moments dans lesquels les membres d’une famille se retrouvent sont en réalité très peu nombreux. C’est pourquoi, si on me demande de regrouper tous mes conseils en un seul, c’est celui- ci : prenez le repas du soir sans télévision ni smartphone, pour en faire un moment convivial partagé.