Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Pour les catholiques traditionalistes
Un enseignement et des méthodes qui posent question
« Ce sont des électrons libres ! » Pour ce fonctionnaire du rectorat de Rennes, les 15 écoles privées catholiques hors contrat restent trop souvent hors des radars du rectorat. Certes, reconnaît- il, « ces établissements sont inspectés dès la première année de leur ouverture ». Mais il ne s’agit que de contrôler la validité des diplômes des enseignants et les conditions sanitaires. Rien ou presque sur le contenu de l’enseignement. « Et c’est bien ce qui pose problème… Avant, tous ces intégristes étaient marginaux. Aujourd’hui, leur discours très réactionnaire est dans l’air du temps. Cela les conforte », estime le fonctionnaire.
Depuis quelques années, le ministère de l’Éducation nationale essaie pourtant de durcir les modalités d’inspection des écoles privées hors contrat. Il se heurte à une levée de boucliers des intéressés. Dans une lettre adressée « aux amis et aux bienfaiteurs » de la Fraternité Saint- Pie X écrite en juin 2023, l’abbé Benoît de Jorna, supérieur du district de France, fustige « les exigences toujours accrues de l’État en ce qui concerne le contenu même de l’enseignement […] Les exigences brident considérablement la liberté pédagogique. Ces contraintes étatiques croissantes sont fort gênantes pour une éducation chrétienne de la jeunesse. »
Sollicités par la rédaction, plusieurs de ces établissements scolaires hors contrat ont refusé de répondre à nos questions sur ce sujet. « Sachez que nous obtenons chaque année un taux de réussite proche des 100 % au baccalauréat, nous a répondu un
directeur de collège. Écrivez-le dans votre article. » Dont acte.
La consultation des sites internet de ces établissements et de plusieurs ouvrages scolaires que nous avons pu nous procurer nous donne toutefois un petit aperçu du contenu de l’enseignement dispensé. Morceaux choisis. Au collège Notre-Dame des Flots à Brest (Finistère), les parents sont prévenus que « la doctrine chrétienne est intimement unie à toutes les matières profanes en les imprégnant profondément ».
Au Cours Charlier à Nantes (garçons), « les cours de SVT (Sciences de la vie et de la Terre) suivent les programmes de l’Éducation natio
nale, mais toujours en adéquation avec la morale chrétienne… Quant à la formation affective et sexuelle, elle doit être abordée à la lumière de la morale catholique. » Toujours sur les cours de SVT, le témoignage de cet ancien élève du même collège est surprenant : « J’ai découvert que les pages consacrées à la reproduction avaient été coupées au cutter… »
Isabelle (prénom d’emprunt), ancienne élève du Cours Saint-Anne à Guingamp, tenue par les Dominicaines de Franjeaux, se souvient : « Je garde un très bon souvenir de mon passage à Sainte-Anne, raconte-t- elle. Les soeurs ne transigeaient pas avec l’ordre et la discipline, mais l’ambiance était excellente. Je me souviens que l’une d’entre elles m’a dit un jour : “Notre but n’est pas de former des femmes qui brillent ou réussissent dans le monde, mais d’éduquer des femmes chrétiennes. Petite fille aujourd’hui… Femme forte demain”. » Pour la petite histoire, Isabelle est aujourd’hui devenue avocate.
Comment mieux encadrer ces établissements ?
Dernière surprise et non la moindre : la réécriture de l’Histoire proposée dans certains manuels d’histoire de France, comme celui Anne de Mézeray, utilisé dans quatre établissements bretons. « Enfin un manuel d’Histoire qui n’est plus rédigé par des historiens à la botte des révolutionnaires et de leurs descendants », peut- on lire dans le catalogue de la maison d’édition (OEuvre scolaire Saint- Nicolas).
Face à ces dérives, comment mieux encadrer ces établissements hors contrat ? « Il faudrait passer d’un régime de déclaration lors de l’ouverture d’une école hors contrat à un régime d’autorisation, comme cela existe pour l’instruction en famille », estime, par exemple, le Comité national d’action laïque (Cnal), auteur d’un rapport sur le sujet.
Et selon le Cnal, le projet pédagogique de l’établissement devrait faire partie du dossier d’autorisation d’ouverture. Concernant les contrôles réalisés après la première visite, il y a aussi des progrès à faire. « Actuellement, environ 20 % des contrôles sont inopinés. Pour les autres, les établissements ont plusieurs semaines pour s’y préparer. »