Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

La légende de la crème chantilly

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On attribue souvent la paternité de cette délicieuse crème fouettée et sucrée à François Vatel, l’intendant du château de Chantilly (Oise), alors propriété du Grand Condé. C’est en 1671, à l’occasion d’une fastueuse réception offerte par ce prince de sang à son cousin Louis XIV, que Vatel aurait inventé la chantilly. Plus encore que cette prétendue innovation culinaire, c’est aussi la fin tragique du maître d’hôtel que nous connaisson­s, grâce à une lettre de Mme de Sévigné : constatant que la « marée » (les poissons et fruits de mer commandés) n’arrivait pas, Vatel – qui avait perdu son honneur – décida de mettre fin à ses jours.

S’agissant de la crème chantilly, une autre version affirme que Vatel l’aurait créée dix années plus tôt, au château de Vaux-le-Vicomte où il était au service de Nicolas Fouquet, le surintenda­nt des finances du Roi Soleil. Mais ces deux affirmatio­ns relèvent de la légende. En premier lieu, Vatel n’était pas cuisinier… Son métier consistait à superviser les approvisio­nnements en denrées alimentair­es, à concevoir les menus, à surveiller la préparatio­n des repas et le service, à gérer le personnel et à organiser les réceptions.

Surtout, la crème fouettée sucrée était déjà présente en Italie au siècle précédent. Plusieurs auteurs transalpin­s de livres de cuisine la mentionnen­t dès le XVIe siècle sous la dénominati­on de neve di latte c’est-à- dire « neige de lait ». Elle était battue avec des branches de genêt. À ce propos, on lit souvent cette autre légende : la crème fouettée aurait été introduite à la cour de France par Catherine de Médicis, venue en 1533 épouser le futur Henri II. Mais aucune mention de cette spécialité d’origine italienne ne figure dans les livres de cuisine français de l’époque… pas plus que dans ceux du XVIIe et même du début du XVIIIe siècle !

Il faut attendre L’Encyclopéd­ie de Diderot et d’Alembert (1751-1772) pour que les auteurs de l’article « crème fouettée » définissen­t celle- ci comme « une crème qu’on fait élever en mousse en la fouettant avec de petits osiers : on y fait quelquefoi­s entrer un peu de sucre en poudre, de gomme d’adragante pulvérisée et d’eau de fleur d’orange ». Quant à l’appellatio­n de « crème chantilly », elle n’apparaît pour la première fois qu’en 1784, sous la plume de la baronne d’Oberkirch décrivant les fêtes données dans le parc du château de Chantilly (trois décennies plus tôt, en 1750, le cuisinier Menon avait parlé du « fromage à la chantilly ») . Et il faudra attendre le XXe siècle pour que la dénominati­on « crème chantilly » devienne courante.

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PHOTO YVAN TRAVERT / AKG-IMAGES he) dans le Cotentin, est le pays de la crème.
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| PHOTO : AKG-IMAGES Une écrémeuse en Normandie.

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