Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
La méthode forte du président du Salvador
Nayib Bukele, qui se présente commeun « dictateur cool », a réussi à pacifier ce petit pays d’Amérique centrale au prix d’un autoritarisme décrié. Il est favori de l’élection présidentielle, qui se tient ce dimanche.
Au restaurant Francos Pupuserías, dans le centre-ville de San Salvador, un gigantesque portrait de Nayib Bukele accueille les clients. « Je voulais lui rendre hommage. Avec lui, le changement a été énorme, notamment la sécurité, sourit Hamilton Franco, le gérant. Avant on vendait des vêtements, mais depuis que le centre a été rénové et qu’il attire les touristes, on a décidé d’en faire un restaurant. Surtout, ce qui nous fait respirer, c’est qu’il n’y a plus de pandillas », ces gangs qui ont longtemps terrorisé le Salvador.
Le tourisme redémarre
Depuis mars 2022 et l’instauration du régime d’exception qui a permis l’arrestation de 75 000 supposés pandilleros, les rues de ce petit pays d’Amérique centrale (6,5 millions d’habitants) ont été pacifiées. Pays le plus dangereux de la région il y a encore peu, le Salvador n’a déploré «que» 193 homicides en 2023, contre 495 en 2022, et 3346 en 2018, l’année précédant l’élection de Bukele. C’est donc logiquement que le chef de l’État le plus populaire au monde (88 % d’opinions favorables, selon l’institut CID Gallup) va se faire réélire ce dimanche. Et peu importe si la Constitution le lui interdit : pour
rempiler, Bukele a démissionné dès novembre afin de se présenter sans l’étiquette de Président.
Le marché principal affiche aussi une nouvelle fréquentation. Tasses, porte- clés, drapeaux, maillots de l’équipe du Salvador… « Les souvenirs que l’on vend le plus sont ceux à l’effigie de Bukele, explique Gloria, une vendeuse. Il a apporté la
sécurité ici, et le marché voit arriver des touristes étrangers ». Gloria assure que le chiffre d’affaires des commerçants a été multiplié par deux. Le contraste est encore plus saisissant dans les quartiers populaires. À Las Margaritas, quartier de Soyapango, banlieue autrefois mal famée, des enfants jouent au ballon sous le regard attentif de José Alvarado, 67 ans, leur entraîneur : « Pendant longtemps, les gamins ne pouvaient pas venir jouer ici car le terrain de foot délimitait la zone entre deux pandillas. »
« Autoritaire ou pas, on est mieux comme ça »
Loin du centre, le quartier Vista Lago est bien calme. Nohemy a installé une plaque de cuisson chauffée au gaz devant chez elle, sur laquelle elle prépare et vend des tortillas. Les clients se succèdent. « Avant, il était impossible d’être dehors à la nuit tombée. Chaque coin de rue était surveillé par un moustique », dit- elle, du surnom donné aux pandilleros. « Régime autoritaire ou pas, on est mieux comme ça ! », lâche Victor, son mari.
Car la pacification du Salvador s’est faite par l’autoritarisme et la militarisation. Irene Cuéllar, chercheuse à Amnesty International pour l’Amérique centrale, dénonce « de graves violations des droits humains » lors des interpellations, et des milliers de « détentions arbitraires ».
Mais pour obtenir la paix sociale, la majorité des Salvadoriens semble prête à ce genre de sacrifices. Dimanche, ils s’apprêtent à propulser Bukele pour un second mandat.