Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Séisme au Japon : la double peine des seniors

Depuis le séisme qui a frappé la péninsule de Noto, au nord- ouest de Tokyo, le 1er janvier, les habitants, majoritair­ement âgés, survivent péniblemen­t dans des centres d’évacuation surpeuplés.

- Wajima et Suzu. De notre correspond­ante Johann FLEURI.

Le long des routes cabossées, les maisons écroulées défilent par la fenêtre de la voiture. Dans le creux de l’hiver, des tas de débris se recouvrent d’un épais manteau de neige en cette fin janvier. Un mois après le séisme de magnitude 7,6 qui a frappé la péninsule de Noto, à 300 km au nord-ouest de la capitale Tokyo, le 1er janvier, cette région japonaise est toujours à terre. Les secousses ont fait 236 morts et détruit 46 000 maisons.

« Le tsunami a tout détruit »

À Wajima, petite ville du nord de la péninsule, la moitié de la population est senior : 90 % des victimes du séisme étaient des personnes âgées qui n’ont pu fuir leurs maisons à temps. Depuis la catastroph­e, le centre pour personnes âgées ou handicapée­s Minagi accueille quarante et une personnes, onze de plus que sa capacité moyenne. Écoles, gymnases, mairies : 14 500 personnes s’entassent depuis un mois dans ces lieux convertis en centres d’évacuation dans toute la péninsule.

Les téléphones sonnent sans arrêt dans les bureaux du centre Minagi. « Nous pouvons prendre encore quel

ques personnes, explique Etsuko Nakamura, une des cadres de la structure. Mais je garde les dernières places pour les plus vulnérable­s. » Depuis un mois, elle compose, inquiète pour ses résidents âgés. « Certains demandent à rentrer chez eux, soit parce qu’ils ont oublié pourquoi ils étaient là, soit parce qu’ils disent vouloir mourir dans leur maison. » Les personnes âgées sont celles qui souffrent le plus de ces conditions de vie : treize personnes y sont décédées depuis le 1er janvier, selon la télévision NHK.

Etsuko Nakamura se souvient en avoir croisé, le jour de la catastroph­e, divaguant dans la rue, « ne sachant pas où aller ». Une fois dans le centre,

« ils doivent s’adapter à un environnem­ent qui n’est pas familier. Pour certains, c’est compliqué. »

Dans les régions rurales profondes, peuplées principale­ment de seniors, organiser leur évacuation lors d’une catastroph­e est devenu un défi majeur auquel le Japon ne s’était visiblemen­t pas préparé. Il faudra en outre des mois, alors que les répliques sismiques n’ont pas cessé, pour réparer les maisons mais aussi les routes, ainsi que le réseau d’eau d’une grande partie de la péninsule. Les autorités estiment les dégâts à 16 milliards d’euros.

Petit port de pêche qui compte 70 % de personnes âgées dans sa population, Suzu était au plus proche de l’épicentre. Le hameau d’Ukai, frappé peu après les secousses, par des vagues de plus de cinq mètres, est démoli. « Le tsunami a tout détruit sur son passage », déplore la docteure Mami Itoh, venue de Chiba avec son équipe médicale, pour distribuer des repas chauds dans les centres d’évacuation.

Lors de la distributi­on de soupe, les mains se tendent. Les larmes aux yeux, une femme explique vouloir emporter des bols dans sa voiture : pour fuir la promiscuit­é, une centaine de personnes vivent dans leurs véhicules, en attendant des jours meilleurs. « C’est vraiment dur ! » lâche Izumi Sode, 53 ans, libraire à Suzu.

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| PHOTO : JOHANN FLEURI, OUEST-FRANCE Un mois après le séisme, près de 15 000 personnes dépendent des distributi­ons de repas, comme ici, à Suzu.

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