Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Soignants : halte au pillage des peuples pauvres
Alep, en Syrie : les couloirs de l’hôpital sont déserts. On se presse en silence vers le service de cardiologie. Une grave opération vient d’avoir lieu. Entourée de ses deux grands enfants, une femme arrive, ravagée d’inquiétude. Le chirurgien les accueille. Il sourit malgré la fatigue. En un instant, la joie remplace l’angoisse qui les étreignait. Sans cette opération, sans ce chirurgien, leur mari, leur père ne serait plus de ce monde.
Mais ce chirurgien est l’un des derniers de l’hôpital. Il a décidé de rester « pour les Alépins. Sinon qui les soignera ? » explique-t-il. La plupart de ses collègues sont partis en Occident. Menacés par Daesh, certains n’avaient pas d’autre choix. Mais l’hémorragie continue. L’hôpital se vide de ses soignants : « Maintenant, les infirmières aussi veulent partir, attirées par les salaires que vous leur proposez en Europe, en Amérique, au Canada. »
La honte nous saisit. À cause de notre imprévoyance, nos pays riches débauchent sans vergogne les soignants de peuples pauvres éprouvés par la guerre, les tremblements de terre… La Syrie, le Liban et tant d’autres pays sont touchés par ce fléau. On ne peut l’accepter, car la vie ou la mort est en jeu. On ne peut tolérer non plus ce cynisme : proclamer le respect des droits de l’homme et dépouiller tant d’hommes, de femmes et d’enfants de leurs soignants. Ressaisissons-nous.
Le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé qu’un émissaire irait chercher des médecins à l’étranger. S’il s’agit de reprendre contact avec nos médecins expatriés, c’est une chose. Mais s’il s’agissait de poursuivre cet indigne débauchage, ce serait inacceptable. On ne va pas « dévaliser » des pays qui ont besoin de médecins « pour améliorer le sort de la France », s’insurgeait Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre (1).
« Ce qu’il nous faut, ce n’est pas aller pêcher des médecins […] pour les accaparer aux dépens de ces pays. C’est redonner l’envie aux médecins français de devenir médecins généralistes traitants », explique le Dr Nogrette, du syndicat MG France. Or, près de la moitié de la profession « font autre chose : ils sont médecins de compagnies d’assurances, de la Sécurité sociale. […] Il suffit de revaloriser le statut pour qu’une partie non négligeable de ces médecins […] Français, déjà formés, revienne » vers cette médecine « dont on a besoin » (1). Des solutions existent aussi pour le secteur paramédical : « Déverrouiller la formation des soignants », en mettant fin aux quotas d’infirmiers, plaide Sophie Boissard, directrice générale du groupe Clariane : « Promouvoir l’alternance » et « l’apprentissage » permettrait « d’augmenter de 50 % en cinq ans le nombre de jeunes paramédicaux diplômés chaque année », améliorer les rémunérations et les conditions de travail (2).
Nous devons agir sans plus attendre. Les solutions résident en nousmêmes et non dans un pillage des peuples pauvres avec lesquels il est urgent de renforcer notre solidarité médicale.
; (2) Les