Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Xavier Bertrand : « J’ai bien l’intention D’être candidat en 2027 »

Le président des Hauts- de-France, battu à la primaire de la droite en 2022, se prépare à nouveau pour la prochaine élection présidenti­elle. Contre le RN et dans une France qui ne serait plus pilotée depuis Paris.

- Propos recueillis par Stéphane VERNAY.

Quelle lecture faites-vous du discours de politique générale de Gabriel Attal ?

On se croirait en 2017, quand Emmanuel Macron venait d’être élu et disposait d’une majorité absolue. Le volontaris­me de Gabriel Attal n’est rien sans majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Il n’aura pas les mains libres pour engager les actions qu’il annonce ? Le président de la République a fait le choix de continuer à présider sans majorité absolue. C’est le péché originel de ce quinquenna­t. Gabriel Attal n’aura pas les moyens de faire passer de grandes lois. Il ne se passera donc rien d’important, de structuran­t, et je ne peux pas m’en réjouir.

Vous suggérez de dissoudre l’Assemblée nationale ?

C’est au président de la République qu’il faut poser la question. Il a clairement gagné la présidenti­elle et il a clairement perdu les législativ­es, les Français lui ont dit qu’il devrait composer avec les opposition­s, mais Emmanuel Macron n’a pas voulu tenir compte du résultat des législativ­es. C’est la raison pour laquelle notre pays est dans un tel état, alors que le défi du redresseme­nt est immense et que répondre au quotidien des Français est impératif.

Ce n’est pas ce que fait le nouveau Premier ministre ?

Sans majorité absolue, je le redis, il ne peut pas y avoir de réformes. L’exaspérati­on et la colère vont donc s’accentuer. Et qui profite de cela, hélas ? Le Front national, dont la seule compétence est de savoir capter cette colère sans rien proposer.

« Les 10 % de taxes sur l’électricit­é, le premier impôt Attal »

Les mesures en faveur des classes moyennes ne visent-elles pas à reprendre des électeurs au Rassemblem­ent national ? Quelles mesures ? Ça ne sert à rien d’amuser la galerie en disant qu’on va rendre 2 milliards d’euros aux classes moyennes en 2025, alors que la hausse des taxes fait flamber la facture d’électricit­é de 10 % dès maintenant, depuis ce 1er février, et de 10 % encore l’an prochain. La réduction d’impôts promise représente 100 € par an pour une famille, alors que la hausse des tarifs de l’électricit­é, elle, coûtera 500 € par an. De qui se moque-t- on ? Je ne pensais pas que s’occuper des classes moyennes consistait à les matraquer. L’augmentati­on de 10 % sur l’électricit­é, c’est le premier impôt Attal !

Aucune des mesures présentées mardi n’a trouvé grâce à vos yeux ? Il y en a surtout une qui est aberrante et cynique : l’envoi d’un « émissaire » pour aller chercher des médecins à l’étranger ! Des milliers d’étudiants quittent la France pour suivre des études de médecine en Belgique, en Espagne, au Portugal, en Roumanie… Certains ne reviendron­t pas. L’émissaire reviendrai­t, lui, avec des médecins dans sa valise, pris dans

des pays qui en manquent, alors qu’il suffit de former davantage de nos jeunes ici. On marche sur la tête ! Je ne sais pas qui a soufflé cette idée-là au gouverneme­nt, mais c’est du grand n’importe quoi…

Tout comme la « taxe lapin » ne résoudra en rien le problème des déserts médicaux ?

J’ai soutenu cette idée portée par la sénatrice LR Corinne Imbert. Ceux qui ne se présentent pas, sans juste motif, à un rendez-vous médical prennent la place d’autres patients qui ont parfois dû attendre pour avoir leur rendez-vous. Je ne vais pas reprocher au gouverneme­nt de reprendre une propositio­n à laquelle je crois. La « taxe lapin » n’est pas une taxe mais une mesure de bon sens. À l’inverse de la hausse de la franchise sur les boîtes de médicament­s qui, elle, est une hérésie au moment où il y a tant de pénurie dans les pharmacies. En fait, c’est même un nouvel impôt sur les classes moyennes.

Et les annonces faites sur le travail ? Vous n’y croyez pas non plus ?

Comment y croire quand, ces dernières années, les gouverneme­nts

d’Emmanuel Macron ont été incapables d’améliorer le pouvoir d’achat ? On ne va pas continuer trois ans de plus comme cela. La France est un pays dans lequel, trop souvent, on ne peut pas vivre dignement du fruit de son travail. Les salaires sont trop faibles, les charges trop élevées. Je veux qu’on soutienne les gens qui travaillen­t pour qu’ils puissent s’en sortir, ce que je fais dans ma région.

« Ce ne sera pas le tour de l’extrême droite en 2027 »

Comment ?

Avec des aides à la garde d’enfants pour les parents qui travaillen­t, 240 € par an pour ceux qui dépendent de leur voiture pour travailler, la mise à dispositio­n d’un véhicule à 1 € par jour pour ceux qui reprennent un emploi, ou la prise en charge pour les jeunes de 90 % du prix du permis de conduire, qui est lui aussi devenu un impôt qui ne dit pas son nom… On fait tout cela dans les Hauts- de-France. Nous, nous aidons vraiment les classes moyennes, c’est au coeur de mon projet.

Vous vouliez être candidat à la présidenti­elle de 2022, avez-vous l’intention de l’être à nouveau en 2027 ?

Oui, j’en ai bien l’intention. Je n’ai pas changé d’ambition. Et j’ai appris de mes erreurs. Beaucoup aujourd’hui pensent déjà que 2027 sera le tour de Marine Le Pen. Pas moi ! Je suis convaincu qu’il n’y a pas une majorité de fachos dans notre pays mais il y a une majorité de Français en colère. J’entends y répondre le moment venu. Donc non, en 2027, ça ne sera pas le tour de l’extrême droite.

Si vous y retournez, ce sera toujours pour promouvoir « la République des territoire­s » ?

Elle manque furieuseme­nt. Si elle était en place, on aurait pu décider plus vite pour faire face aux conséquenc­es des inondation­s du Pas- deCalais. Notre France est malade de son hypercentr­alisation. La République des territoire­s, ce n’est pas tout aux élus, c’est beaucoup plus de décisions dans les territoire­s. L’État, au niveau national, doit assurer le régalien : sécurité, justice, maîtrise de l’immigratio­n, défense, lutte contre l’islamisme. Mais pour tout ce qui concerne le quotidien, arrêtons de faire remonter la prise de décision à Paris pour qu’elle redescende avec du retard sur le terrain.

La déconcentr­ation de certaines administra­tions et la volonté de « réarmer » les services publics dans les territoire­s vont dans ce sens, non ?

Ah bon ? Je ne m’en suis pas rendu compte… L’ADN de ce pouvoir n’est pas partageur. Ils n’aiment pas les élus locaux car ils n’en ont pas. Le gouverneme­nt pense que les élus locaux, comme les partenaire­s sociaux d’ailleurs, sont des incapables. Je rappellera­i que dans nos communes, nos départemen­ts, nos régions, on sait faire et nous avons la confiance des Français. C’est une vraie forme de mépris, et quand on regarde la compositio­n du nouveau gouverneme­nt, c’est révélateur…

Vous voulez dire que c’est un gouverneme­nt trop « parisien » ? Évidemment. C’est le gouverneme­nt de l’entre- soi. Il est trop parisien en ce sens qu’il est infichu de regarder au- delà du périphériq­ue, ce qui explique son incapacité à anticiper les crises, à ressentir ce que vivent les Français.

La colère des agriculteu­rs vous a surpris ?

Non. C’est une colère qui monte depuis longtemps. N’oublions pas que l’agricultur­e subit le plus grand plan social qu’on ait connu en France depuis 20 ans, mais à bas bruit. Ils meurent à petit feu. Aujourd’hui, c’est certaineme­nt, avec les pêcheurs, la profession qu’on « emmerde » le plus, comme disait Pompidou. Pour eux, il n’y a aucun droit à l’erreur, même pas de présomptio­n de bonne foi. C’est sur eux que les contrôles pèsent le plus. Un peu de bon sens ! Les agriculteu­rs ne se lèvent pourtant pas la nuit pour empoisonne­r leurs légumes avec une seringue ! Ils seraient coupables de tout, alors qu’ils nous nourrissen­t. L’écologie punitive leur a fait beaucoup de mal alors que les agriculteu­rs sont les vrais écologiste­s. En se battant pour eux, ils se battent pour nous. C’est pour cela que leur combat rassemble une large majorité des Français.

La prochaine législatur­e européenne devra commencer par une refonte de la Politique agricole commune (Pac) ?

Nous avons besoin de l’Europe, mais la stratégie dite « de la ferme à la fourchette » prônée par la commission et basée sur la décroissan­ce est une terrible erreur. Il y a de plus en plus d’humains sur la planète, il faut les nourrir, mais l’Europe impose de faire 4 % de jachères, et 10 % en 2030. C’est de la folie, d’autant qu’on importe toujours davantage. On a laissé grossir un monstre bureaucrat­ique au sein de l’Union européenne. Je souhaite que les différents partis politiques se prononcent sur une nouvelle donne européenne agricole avant les élections de juin. On saura qui pense quoi, et avec quelles solutions.

Les Hauts-de-France vont accueillir plusieurs épreuves olympiques. Tout est prêt ?

Bien sûr ! Je le dis aux commentate­urs : arrêtons avec la sinistrose autour des Jeux ! La critique est un sport national, nous pourrions être médaille d’or dans la catégorie « ça ne marchera jamais », mais c’est une médaille dont on se passerait volontiers… C’est un honneur d’être le pays organisate­ur. Ça faisait un siècle qu’on n’avait plus accueilli les Jeux. Le monde entier va regarder la France, je suis convaincu que nous serons à la hauteur et je suis convaincu que nos sportifs olympiques et paralympiq­ues feront le plein de médailles.

Vous avez un pronostic en particulie­r ?

Je suis fan de basket, dont les épreuves se dérouleron­t à Lille. Je vais suivre tous les matchs de l’équipe de France, avec Victor Wembanyama et surtout Rudy Gobert, qui est originaire de Saint- Quentin, ma ville. Il fait une saison magnifique avec les Timberwolv­es du Minnesota, en NBA. Ce sera un moment merveilleu­x.

« On a laissé grossir un monstre bureaucrat­ique au sein de l’UE »

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Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, dit son intention de can
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| PHOTO : STÉPHANE GEUFROI, OUEST-FRANCE
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| PHOTO : STÉPHANE GEUFROI, OUEST-FRANCE didater à la prochaine élection présidenti­elle.
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| PHOTO : STEPHANE GEUFROI, OUEST-FRANCE

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