Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Écrivain, il raconte sa traversée du cancer

Jean-Philippe Blondel met en parallèle, dans un livre lumineux, la perte de sa famille, alors qu’il était adolescent, et son cancer du sang. À lire en cette Journée mondiale contre le cancer.

- Florence PITARD. L’Iconoclast­e,

Naïvement, Jean- Philippe Blondel pensait avoir assez payé. Une mère et un frère tués dans un accident de voiture alors qu’il n’avait que 17 ans ; un père rendu fou de culpabilit­é (il conduisait) qui tente ensuite de l’assassiner à plusieurs reprises ; puis, quatre ans plus tard, la mort de ce dernier, au volant.

Devenu un père de famille comblé, un prof d’anglais heureux dans sa ville natale de Troyes (Aube) et un romancier au lectorat fidèle, séduit par ses romans à la musique nostalgiqu­e, Jean- Philippe Blondel croyait avoir acquis un « totem d’immunité ». Mais en mars 2021, à l’âge de 56 ans, alors qu’il a perdu 25 kg grâce à un régime, s’est remis au sport et se sent en pleine forme, il constate que ses urines sont un peu troubles. « L’avantage d’être hypocondri­aque, souritil. On se précipite chez le médecin ! »

« Pas de bol, un lymphome »

L’annonce, c’est un radiologue qui va la faire, d’un court « Pas de bol, c’est un lymphome (une forme de cancer du sang) ». Il pronostiqu­e ensuite que, vu la forme du patient, celui- ci devrait s’en tirer… On se pince, mais le romancier jure que cette scène est vraie.

La terrible odyssée qu’il va vivre ensuite, Jean- Philippe Blondel la raconte dans Traversée du feu. Pour la première fois en quelque trente livres, (Accès direct à la plage, This is not a love song, Et rester vivant) il se met directemen­t en scène. Traversée du feu est un livre lumineux, plein d’espoir et d’humour, dans lequel il met en parallèle les drames qui ont jalonné son existence. « Au départ, je parlais de cercle de feu, mais mon éditeur trouvait que ça faisait trop cirque ! Pourtant, c’est vraiment l’image. Tu ne sais pas ce qu’il y a derrière le feu mais tu n’as pas le choix, tu ne peux pas rester là. »

Après le choc de ses 17 ans, JeanPhilip­pe Blondel a eu l’impression de vivre des années avec un membre

amputé, « un membre fantôme », d’être un funambule qui pouvait basculer à tout moment. Il est parvenu à se raccrocher à la vie.

En 2021, il a affronté un lymphome non hodgkinien, un cancer du système lymphatiqu­e qui offre de bonnes perspectiv­es de guérison s’il est pris en charge assez tôt. Aucune opération n’est nécessaire, mais il faut suivre des cures de chimiothér­apie. Ce type de cancer a pour origine des facteurs héréditair­es, l’exposition aux produits toxiques ou aux pesticides. « Mon départemen­t, l’Aube, est le champion des pesticides avec la

Gironde. Nous avons des champs de betteraves, des vignes… » Et parfois, ce cancer ne s’explique pas.

Le malade a suivi six cures de chimiothér­apie, a failli mourir deux fois. La première, il a été pris d’une fièvre subite alors qu’il se trouvait chez lui. Heureuseme­nt, il bénéficiai­t d’un nouveau protocole, grâce auquel il pouvait à tout moment appeler un infirmier. « Il est arrivé en vingt minutes. »

La seconde fois, à l’hôpital, il a eu de brutales hallucinat­ions, lors d’un épisode de fièvre où ses parents semblaient l’inviter à le rejoindre…

Il tient à saluer les soignants du centre hospitalie­r de Troyes. « J’ai été soufflé par leur abnégation, leur qualité d’écoute, leur façon de prendre en charge. »

Cet homme jovial ( « Non, tous les romanciers ne sont pas des solitaires ! ») a pu compter sur sa famille, ses nombreux amis, ses collègues vis-à-vis desquels il a eu une démarche originale. Il leur proposait de se balader dans une coulée verte proche de son domicile. « On a toujours peur d’aller voir un cancéreux, alors si le malade est en capacité de marcher, c’est une bonne idée. La marche déclenche la confidence. »

« Obéis et serre les dents »

Le calvaire va durer quatre mois. Un jour de juillet 2021, son médecin lui annonce que, « techniquem­ent », il n’est plus malade et qu’il sera définitive­ment considéré comme guéri dans deux ans. Il tient à préciser : « Arrêtez de dire aux gens d’être courageux et de se battre. Ça culpabilis­e. Le message c’est : Aie confiance, obéis et serre les dents. »

Quelles conséquenc­es ces épreuves ont- elles eues ? « La mort de ma famille a changé la direction de ma vie. Je me voyais vivre à Londres, ouvrir des sandwicher­ies de luxe ! D’ailleurs, dans certains romans, un de mes doubles de papier vit là- bas. » Brièvement parti vivre à Paris, il est revenu à Troyes et la ville l’a protégé comme un cocon.

Quant à la maladie, elle lui a fait réviser ses priorités. « Je me suis demandé ce que j’avais vraiment envie de faire, et je m’y tiens. Par exemple, j’apprends le hollandais ! J’essaie aussi de ne pas me laisser agacer par des choses sans importance. » Et étrangemen­t, l’épreuve, quarante ans après, lui a enfin permis d’accepter le départ prématuré de ses proches et de faire leur deuil.

Traversée du feu, 203 pages, 20,90 €.

 ?? | PHOTO : CELINE NIESZAWER/LEEXTRA ?? Le romancier Jean-Philippe Blondel raconte la perte de toute sa famille et son cancer.
| PHOTO : CELINE NIESZAWER/LEEXTRA Le romancier Jean-Philippe Blondel raconte la perte de toute sa famille et son cancer.

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