Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Facebook a 20 ans, pour le meilleur… et pour le pire
Le 4 février 2004, Mark Zuckerberg fondait Facebook. Un outil révolutionnaire pour l’époque, aujourd’hui déserté par les jeunes et en proie à la concurrence de plateformes émergentes.
Hier adoré, aujourd’hui critiqué et en perte de vitesse. Ce 4 février, le réseau social Facebook célèbre vingt ans d’existence. Un temps considérée comme un outil révolutionnaire, créée – selon son fondateur Mark Zuckerberg – pour « accomplir une mission sociale, créer un monde plus ouvert et connecté », la plateforme vit, depuis, des jours plus sombres. Minée par les scandales et de plus en plus désertée par les jeunes, elle doit désormais se développer avec l’émergence et la concurrence de nouveaux réseaux sociaux.
« Au démarrage, c’était tout de même une belle utopie, reconnaît Véronique Reille- Soult, qui a publié l’ouvrage L’ultime pouvoir – La vérité sur l’impact des réseaux sociaux (Éditions du Cerf) en mai 2023. « Cela a créé des canaux de communication pour permettre à chacun de s’exprimer, de créer du lien, ou même à des gens de se retrouver. »
Pierrette Bougas a eu le bonheur d’en faire l’expérience. En 2021, cette infirmière à la retraite reçoit un message provenant « d’une cousine perdue de vue depuis la fin des années 1970 ». « C’était une photo de mes parents et de moi, jeune. À l’époque, il y a eu des discordes dans la famille et ma mère a choisi de couper les ponts. » Si la septuagénaire a d’abord été « surprise » par cette démarche, elle rejoint désormais chaque été sa cousine, pour un séjour à Arzon, dans le Morbihan.
« On reviendrait à l’ancien temps sans ce réseau »
Les histoires comme celle vécue par Pierrette Bougas sont légion sur Facebook. Et si la plateforme permet des retrouvailles après quatre décennies, elle a aussi facilité les échanges et regroupements entre tous ses utilisateurs.
Année après année, les groupes ont fleuri sur le réseau social. Des étudiants en quête d’un appartement aux passionnés en tout genre, en passant par les professionnels de l’artisanat. « On se donne des conseils de travail, on fait des partenariats. Sans Facebook, on reviendrait à l’ancien temps, chacun pour soi, s’imagine
Yoann Hemon, 36 ans, artisan plâtrier et plaquiste vivant dans le Morbihan. Son groupe réunit 5 600 professionnels et particuliers du secteur. Grâce à ce réseau, j’ai même pu devenir professeur remplaçant dans un Centre de formation d’apprentis (CFA). »
Facebook, catalyseur du bon et du mauvais
Créé, au départ, dans le but de rassembler les étudiants de l’université de Harvard, Facebook s’est rapidement développé hors des frontières des États-Unis, avant de déferler en France, courant 2008. Un flot de nouveaux utilisateurs – estimés, en juillet 2023, à trois milliards par mois – qui a entraîné de nombreuses dérives. « Lorsqu’on souhaite émerger du lot, on a tendance à être dans l’excès. Et puis, on est mis en contact avec d’autres utilisateurs qu’on ne connaît pas forcément dans la vraie vie, ça change nos comportements », souligne Véronique Reille- Soult.
Le réseau social est aussi le terrain des arnaques aux sentiments ou autres fraudes publicitaires. Anna Valérie en a été la victime. En 2019, cette agente de restauration de 52 ans, vivant dans la Sarthe, a été la proie d’un arnaqueur en ligne, de ceux qu’Internet définit par le terme « brouteur ».
« Il s’est présenté comme un légionnaire venu des pays de l’Est. Après quelques semaines d’échanges avec cet Adrian, il a commencé à me demander de l’argent, pour diverses raisons. Parfois pour venir me voir, d’autres fois car son téléphone ne fonctionnait plus. » En quelques mois, la quinquagénaire se fait escroquer de près de 5 200 €. Une somme qu’elle n’a jamais revue. « J’étais amoureuse et aveugle. »
Un jour, elle fait même le voyage jusqu’à Guidel (Morbihan) pour un rendez-vous galant. Arrivée sur place, silence radio. « Personne ne s’est jamais présenté. Je me suis rendue à l’évidence. C’était une arnaque. »
Si les jours de la maison mère Meta, qui regroupe aussi les réseaux sociaux WhatsApp et Instagram, ne semblent pas en danger, la plateforme, elle, « va devoir s’adapter dans les années à venir », juge Véronique Reille- Soult. Car l’arrivée des « boomers » a fait fuir la génération Z et « les fonctionnalités sont moins adaptées aux usages actuels ».
« Ils devront s’adapter »
Les défis s’amoncellent pour la plateforme. Face au cyberharcèlement, les associations et familles de victimes montent régulièrement au créneau, accusant les dirigeants de détenir « un produit qui tue des gens ».
Interrogé par les sénateurs américains le 31 janvier, Mark Zuckerberg a assuré vouloir faire « évoluer les
défenses contre ces criminels ». Parmi les solutions évoquées, un accroissement du contrôle parental, le filtrage de contenus et messages inappropriés. Pas suffisant selon les sénateurs, qui déplorent « un niveau d’hypocrisie ahurissant ».
« Ils devront aussi revoir leur modèle économique, tout ça va évoluer, estime Véronique Reille- Soult. Après le scandale Cambridge Analytica (portant sur les fuites de données de 87 millions d’utilisateurs), c’est dingue d’imaginer qu’ils puissent continuer de vendre les données de leurs utilisateurs. Et pourtant, ils continuent de le faire. »
Quitté par une partie des adolescents et jeunes adultes, lui préférant Instagram, TikTok, X et consorts, Meta reste tout de même le réseau social préféré des 16- 64 ans, dont 73,3 % déclarent posséder un compte.
De là à redevenir, un jour, le numéro un ? « La mode, ce sont des cycles. Peut- être qu’en se réinventant, Facebook reviendra-t-il à la mode chez les jeunes », conclut la spécialiste.