Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

« J’ai perdu sept ans de ma vie » : une plaignante témoigne

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« Il y a des jours encore difficiles. » Anne-Laure Castelli, 40 ans, raconte son long calvaire. Tout commence en 2016. Elle n’a que 32 ans quand elle se fait poser une bandelette sousurétra­le. « Je n’étais pas trop gênée par mes fuites urinaires, mais j’étais jeune, donc j’ai consulté. »

Son chirurgien lui parle d’une opération rapide et non invasive. Elle accepte, mais après l’opération, elle n’arrive presque plus à uriner. « Tout de suite, je me suis dit : L’implant doit être trop serré. » Elle confie ses doutes à son médecin qui lui répond que tout devrait rentrer dans l’ordre. Mais après un mois, « les douleurs s’étaient accentuées, je faisais pipi trente fois par jour, avec une sensation de cystite. Je devenais dingue, je ne dormais plus ».

Les médecins assurent que ses douleurs viennent de son dos. Confiante dans le diagnostic, elle se fait opérer d’une hernie discale en 2019, mais cela ne change rien. Pire, la douleur s’aggrave : « Je ne pouvais même plus m’asseoir sur une chaise », raconte-t- elle. En 2021, nouvelle opération : on lui pose une prothèse discale. Encore une aggravatio­n… Son mental en prend un coup. À chaque nouvelle opération, elle espère. Et tombe de haut.

En huit ans, Anne- Laure Castelli consulte plus d’une centaine de médecins et d’ostéopathe­s. « J’ai fait presque tous les hôpitaux de Paris, raconte- t- elle, encore en colère. Je voulais partir, je n’arrivais même plus à me forcer à sourire à mes enfants… Les décharges électrique­s, les brûlures internes, c’était terrible. »

« J’ai envie de revivre »

Elle ne peut plus travailler, son invalidité à 80 % est reconnue. « J’étais au plus bas, sans perspectiv­e. Je culpabilis­ais d’embarquer mon mari dans cet enfer, ça a été très difficile, même s’il m’a toujours soutenue. » Fin 2022, après des années de recherches, le diagnostic tombe enfin. À la suite d’un énième examen, un nouvel urologue lâche : « C’est une catastroph­e. Votre bandelette est trop serrée. » Elle fond en larmes. « Je l’ai toujours su mais personne ne m’avait jamais écoutée. » Comme ultime solution, il lui propose de sectionner la bandelette pour la desserrer. Encore une opération : elle n’a « plus la force ». « Et surtout, je n’avais plus confiance. »

Sur le groupe Facebook Bandelette­s périnéales France, dont elle est devenue la présidente depuis, AnneLaure Castelli apprend « que le seul moyen d’enlever la bandelette est d’aller aux États- Unis ». Son urologue lui déconseill­e. « Il m’a dit : Ce serait une boucherie. » Et moi, j’ai pensé : Soit je vais en centre antidouleu­r en France et je meurs à petit feu, soit on tente le tout pour le tout. »

Elle part en fauteuil roulant pour le Missouri. L’opération dure deux heures et demie : « Le lendemain, le chirurgien vient me voir et me dit : Je n’ai jamais vu de bandelette aussi serrée de ma carrière. Les muscles étaient étranglés. » Coût total : 20 000 €.

Anne- Laure Castelli ne veut pas laisser penser que l’opération est « miraculeus­e ». « J’ai encore des séquelles » : des sensations de brûlure dans le corps, notamment. Mais elle peut uriner normalemen­t, se tourner sur le côté gauche, marcher trois quarts d’heure d’affilée… Et elle dort la nuit. Anne-Laure Castelli reste marquée psychologi­quement par sa longue errance. « J’ai 40 ans, j’ai déjà perdu sept années de ma vie, aujourd’hui, j’ai envie de revivre. »

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| PHOTO : CORENTIN FOHLEN, OUEST-FRANCE Anne-Laure Castelli, chez elle en banlieue parisienne.

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