Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Trésor du breton écrit
1379 : un épisode guerrier de l’histoire de Bretagne révélé par un chant historique du Barzhaz Breizh.
Le célèbre chant An Alarc’h ( Le cygne), popularisé par Alan Stivell, Gilles Servat ou Tri Yann raconte le retour du duc Jean IV d’Angleterre pour chasser les troupes du roi de France qui avaient envahi le duché. Nous sommes en 1 379. Ce chant du Barzhaz Breizh était considéré comme une pure invention par certains, jusqu’à la publication des cahiers de collectes d’Hersart de la Villemarqué sur le site du CRBC ( Centre de recherche bretonne et celtique).
Il a été collecté sous le titre Gwai gwenn alar (littéralement oie blanche cygne). An Alarc’h (le cygne) désigne l’espèce bien connue de l’oie cygnoïde, c’était un des emblèmes du roi d’Angleterre Édouard III, protecteur du duc de Bretagne en exil, d’où le surnom donné à Jean IV. Le mot alarc’h, identique en gallois, était donc encore connu au XIXe siècle. Un alarc’h tramor War lein tour moal Kastell ar mor, Digoue’t eo an Aotrou Yann en- dro, digoue’t da ziwall e vro (Un cygne d’outremanche sur la tour chauve du château de la mer, Monseigneur Jean est de retour pour protéger son pays) nous indique les paroles qui ont donc traversé les siècles.
Le duc Jean est magnifié par ce chant : An Aotrou yann zo ur paotr mat, Akuit ha skañv en e zaoudroad,
Pa c’hoari kleñv ken gres a zalc’h, ken a zaouhanter den ha marc’h, Luc’h a daol e gorf pa’n horell, Ken a vrumeen an neb e sell ( Le seigneur Jean est un solide gaillard, habile et léger sur ses deux pieds. Quand il joue de l’épée, il est si vif qu’il coupe en deux, homme et cheval, son armure brille au combat et éblouit le regard de tous. )
Avec un tel chef, les troupes bretonnes sont galvanisées contre l’armée de mercenaires du roi de France : Skrignañ a reont bleizi Breizh- Izel o Klevet embann ar brezel, O klevet ar you e yudont Gant ar c’hallaoued a reont, En hentoù emberr e welont O redek ar gwad evel dour (Les loups de Basse- Bretagne ricanent en entendant le ban de guerre. En entendant les hourras, ils hurlent à l’odeur des ennemis, Sur les chemins, ils verront couler du sang comme de l’eau.)
Le vocabulaire guerrier est de mise dans ce type de chant. Dans la version publiée en 1845, La Villemarqué s’est autorisé quelques remaniements mineurs qui ne remettent pas en cause l’existence de ce chant historique. Les chercheurs Donatien Laurent et Christian Souchon attestent de son authenticité. Le Barzhaz Breizh reste un des monuments de la littérature orale de langue bretonne.