Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Le fromage, une fierté française nourri
Produit typique français, le fromage est un incontournable de nos tables. Et pourtant, son invention, qui remonte à environ 10 000 ans, viendrait du Proche- Orient.
Si la Bretagne et les Pays de la Loire sont souvent qualifiés de « déserts fromagers », la Normandie peut s’enorgueillir de ses quatre Appellations d’origine protégée (AOP) : camembert, livarot, pont-l’évêque et neufchâtel. En 2020, la région normande fournissait, à elle seule, 31 % de la production française de fromages de vache à pâte molle (122 000 tonnes, dont 72 000 tonnes de camembert) ainsi que près de la moitié des fromages frais (avec un volume de 250 000 tonnes, petitssuisses inclus).
Le fromage des origines
Le fromage a sans doute vu le jour au Proche- Orient, il y a environ 10 000 ans, avec la domestication des mouflons, des chèvres sauvages et des aurochs. Les femelles de ces mammifères herbivores fournissaient du lait aux premiers éleveurs. Mais, à de rares exceptions près, ces derniers ne digéraient pas le lait à l’âge adulte. Par chance, ils découvrirent qu’ils pouvaient profiter de ses bienfaits nutritionnels en le transformant en lait fermenté ou en fromage.
En effet, le lactose, responsable des troubles intestinaux, est éliminé lors du processus naturel de fermentation par de « bonnes » bactéries (en breton, le mot désignant le fromage signifie « lait pourri ») . La transformation en fromage permettait en outre de conserver pendant des mois un aliment qui, à l’état liquide, risquait d’être rapidement contaminé par des microbes pathogènes.
Pour fabriquer du fromage, il faut d’abord faire coaguler le lait (le plus souvent à l’aide de présure, une enzyme naturellement présente dans l’estomac des jeunes ruminants), puis faire égoutter ce « caillé » dans un moule percé de trous qui lui donne sa forme. C’est l’origine du mot formage qui deviendra fromage.
De la province à la capitale
Dans la Grèce et la Rome antiques, le lait était considéré comme l’aliment des « barbares » tandis que le fromage, produit transformé par le génie humain, était une nourriture de « civilisés ». Malgré cela, il demeurait perçu comme l’aliment des bergers et des paysans, et n’apparaissait donc pas à la table des riches. À partir du Xe siècle, en France, la fabrication de fromages connut un essor important au sein des abbayes. En consommant cet aliment populaire, les moines manifestaient leur voeu de pauvreté. Le fromage représentait en outre un substitut à la viande qui, sauf exception, était interdite par la règle monastique. Des communautés religieuses donnèrent ainsi naissance au comté, au brie, au maroilles ou encore au roquefort.
Hormis quelques spécialités renommées, le fromage restait peu consommé par l’aristocratie et la bourgeoisie de l’Ancien Régime. Il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour qu’il devienne un aliment courant dans toutes les couches de la société. C’est l’époque où l’élevage laitier se développa fortement et où la révolution des transports permit aux fromages issus des provinces de rejoindre la capitale et les grandes villes du pays.
Parallèlement, les laiteries artisanales se multiplièrent. Puis, les premières installations industrielles virent le jour dans l’est de la France, à l’aube du XXe siècle. Ce fut le cas de la petite usine du Jurassien Léon Bel qui, à partir de 1921, commercialisa un fromage fondu en portions, sous le nom de marque La Vache qui rit.
La France compte aujourd’hui entre 1 500 et 2 000 variétés de fromages, dont 46 AOP. Ses habitants en sont les plus gros consommateurs au monde : avec 28 kg par personne et par an en 2021, ils devançaient (de peu) les Danois, les Finlandais et les Allemands. Mais le plateau de fromages, proposé avant le dessert, demeure une pratique exclusivement française.