Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
« Dans cette maison, Robert a écrit son célèbre discours »
À Doëlan, petit port paradisiaque caché dans la commune finistérienne de Clohars- Carnoët, la mémoire de Robert Badinter plane toujours. « Je me souviens parfaitement de lui », acquiesce Lison de Caunes, hier matin, le nez au vent, dans le jardin de sa maison de vacances.
Cette bâtisse familiale dont elle a hérité, faite de pierres brunes et perchée sur la rive droite de l’anse, a été le refuge de l’ancien ministre de la Justice. « Ma mère, l’autrice féministe Benoîte Groult, et son conjoint, l’écrivain Paul Guimard, étaient très amis avec le couple Badinter », contextualise la Parisienne d’aujourd’hui 75 ans, à la tête d’un atelier de marqueterie de paille.
« Un couple uni, complice »
C’est ici, en terre bretonne, alors qu’il est accablé par les menaces, que Robert Badinter vient trouver le calme en août 1981 pour écrire son célèbre discours contre la peine de mort. « La maison était libre et mes parents lui ont proposé d’y séjourner avec sa femme, Elisabeth. Personne d’autre ne savait qu’ils étaient là. » Pendant quinze jours, « sans être dérangé », le politicien travaille et retravaille son texte, « soit dans le bureau qui donne sur la ria, soit sur la terrasse, en plein soleil ».
Encore aujourd’hui, son souvenir le couple Badinter, Lison a une vingtaine d’années. « Ils sont tout de suite devenus très amis, très intimes. » À raison d’une fois par semaine, tous dînent ensemble, chez les uns ou chez les autres. « Ils s’admiraient beaucoup et se respectaient mutuellement. »
Lison se souvient d’un couple « magnifique », plein « de charme », duquel il émanait une « grande aura ». « Elisabeth n’allait pas sans Robert et inversement. Ils étaient très unis, vraiment complices. » L’ancien ministre lui revient en mémoire comme quelqu’un « d’impressionnant, physiquement comme intellectuellement. » « Il avait de la prestance. J’étais jeune, mais j’avais déjà bien conscience de l’homme que c’était. »
Touchée par son décès, Lison de Caunes souligne la carrière de celui qui « est resté, jusqu’à la fin, maître de son esprit ». « Robert a eu une très belle vie, conclut- elle. Et je suis fière que cette maison en ait fait partie. »