Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Dunkerque reste fidèle à sa « Nuit des Noirs »
Décembre 2017. Des associations antiracistes et des internautes s’insurgent contre une affiche annonçant la « Nuit des Noirs », l’un des bals historiques du carnaval de Dunkerque (Nord) qui se tient en mars.
En photo, des visages grimés en noir avec des plumes de faisan sur la tête. Soit, pour les contempteurs, un « blackface » : une pratique synonyme d’un racisme ordinaire, car elle rappelle ces spectacles de l’Amérique ségrégationniste durant lesquels des Blancs grimés se moquaient des Noirs. Vivement critiquée, dénoncée par le Défenseur des droits, elle n’a cependant encore jamais été condamnée par un tribunal en France.
« Droit qu’il faut défendre »
À Dunkerque, on tombe des nues. Car « Les Noirs », le groupe organisateur de ce bal qui a lieu tous les cinq ans, est une institution. Le maire, Patrice Vergriete, se fend même d’une tribune dans Le Monde : « En réalité, le carnaval, c’est le nec plus ultra de la caricature. Et c’est pourquoi c’est un droit qu’il faut défendre et auquel nous ne renoncerons pas. » Le Conseil représentatif des associations noires (Cran) dépose un référé auprès du tribunal administratif de Lille pour faire interdire le rassemblement. Demande déboutée dans la foulée.
Six ans plus tard, les Noirs sont toujours présents dans les bandes, ces défilés dans les rues. Le groupe a organisé son traditionnel bal en 2023, mais sous le nom de… « Nuit des 55 ans ». Une référence à l’âge du groupe pour éviter une reprise de polémique ? Les membres actuels – une quinzaine – ne souhaitent pas s’exprimer sur le sujet.
Pierre Vaillant, cofondateur du groupe qui a pris du recul avec l’âge, balaie toujours les accusations de racisme et n’a qu’un regret : « Celui d’avoir réalisé une affiche avec une photo en 2018 alors que d’habitude, c’était un dessin. Sur les réseaux sociaux, ça a mis le feu aux poudres. Mais nous étions soutenus à Dunkerque : d’autres personnes s’étaient déguisées ainsi par solidarité. »
Pour Patrick Crockey, l’une des chevilles ouvrières du carnaval, « les Noirs sont toujours en noir, et cette polémique, ridicule, n’a eu aucun effet. Chacun reste libre de son costume. » Pour un autre carnavaleux, Christophe, les associations antiracistes « étaient déconnectées de la réalité et de ce que le carnaval véhicule comme image. Nous faisons la fête tous ensemble et ce quelle que soit la couleur de peau, la hiérarchie dans la société ou autre… »