Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
À Granville, le comité d’organisation veille aux costumes
Aujourd’hui, les rues de Granville sont noires de monde. C’est la grande cavalcade, le moment le plus populaire des cinq jours de son carnaval, qui fera vibrer la ville jusqu’au 13 février. Sur les quarante-six chars et dans la foule, le comité d’organisation du carnaval, attentif aux questions de racisme ou d’homophobie, veille au grain.
« On fait en sorte qu’il n’y ait pas de déguisements « problématiques » comme on dit aujourd’hui, souligne la présidente Antonina Julienne. On a un oeil pendant plusieurs mois sur les thèmes choisis par les groupes de carnavaliers pour leur char. S’ils ont un doute, ils se tournent vers nous et nous en discutons. »
Politiques tournés en dérision
Les organisateurs l’assurent : vous ne verrez pas sur les chars granvillais de blackfaces (visages grimés en noir), par exemple. « En Belgique, un carnaval s’est vu retirer son classement à l’Unesco pour cela, appuie Antonina Julienne. Nous sommes un carnaval satirique, donc il faut avoir de l’humour, mais c’est aussi familial et ouvert à tous. »
La satire, c’est vraiment l’esprit du carnaval de Granville. On y tourne en dérision les politiques locaux et nationaux, les travers de la société et l’actualité façon poil à gratter. C’est d’ailleurs ce qui fait l’originalité de l’événement et l’a distingué pour entrer au patrimoine immatériel de l’Unesco en 2016. Ici, l’humour est roi et, comme l’estiment les carnavaliers, ce genre de fête ne sera jamais lisse, politiquement correcte ou même woke (c’est-à-dire centrée sur la défense des droits des minorités).
Pour les élus qui le fréquentent assidûment, il faut avoir du second degré. « Le principe du déguisement, c’est de devenir quelqu’un d’autre, nuance Antonina Julienne. Alors oui, il y a des hommes déguisés en femmes et l’inverse, des costumes d’autres cultures, mais sans moquerie… L’esprit de carnaval, c’est d’être dans une autre vie que la sienne ! »
Le comité du carnaval a l’oeil sur les costumes des groupes présents sur les chars mais le public reste libre de son déguisement et il n’y a pas de « police de la bienséance ». Car dans un carnaval satirique qui attire sur cinq jours plus de 120 000 personnes, il est bien évident que la sécurité prime sur le politiquement correct. Sont donc interdits les costumes de militaires ou de terroristes avec des armes factices. « Tout ce qui peut faire penser aux forces de l’ordre, créer un risque de mouvement de panique dans une foule compacte, est banni », souligne le commandant Dominique Dubusse, du commissariat de Granville.